Boutenac, un cru du Languedoc pas comme les autres

Boutenac, un cru du Languedoc pas comme les autres

Reconnu officiellement par l’INAO en 2005, le cru Boutenac est la seule appellation communale des Corbières, dans l’Aude.

Le fameux galet roulé typique du sol du Cru Boutenac - Crédit photo : Yoann Palej
Le fameux galet roulé typique du sol du Cru Boutenac - Crédit photo : Yoann Palej

Disséminées autour du petit massif du Pinada, les collines aux sols caillouteux, entre grès et galets roulés, sont le berceau d’un terroir hors norme où le Carignan est roi. A la veille de la reconnaissance de l’AOC Boutenac, Toutlevin est allé sur place pour découvrir l’une des plus belles réussites du Languedoc. Attention, pépites en vue !

Le mur lapidaire du musée Narbo Via - Crédit photo : Yoann Palej
Le mur lapidaire du musée Narbo Via - Crédit photo : Yoann Palej

Face au gigantesque mur lapidaire de 76 mètres de long et ses 760 blocs de pierre issus de nécropoles romaines, Marc Médevielle se sent tout petit. L’ancien journaliste viticole est venu présenter son livre Boutenac, un cru en Corbières au cœur du Narbo Via, poumon archéologique de la région Occitanie.

L'ouvrage de Marc Médevielle
L'ouvrage de Marc Médevielle

L’ouvrage retrace la longue marche du cru vers sa reconnaissance nationale et internationale. Le fruit d’une intense collaboration avec le Parc naturel régional de la Narbonnaise. J’ai sillonné le terroir de Boutenac pendant une bonne année afin d’aller à la rencontre des vigneronnes, des vignerons et des spécialistes du cru, explique-t-il. L’idée était de retracer l’activité viticole de ce petit coin des Corbières en mettant en lumière l’identité du cru, de ses vins, de ses acteurs et de ses paysages. L’occasion de conter une histoire géologique tourmentée : un mix sédimentaire entre grès siliceux, argiles et calcaires palustres, cette mollasse miocène si symbolique. Un sol caillouteux, profond et bien drainant, qui a tant plu à Gérard Bertrand. Ce qui fait la particularité de Boutenac, ce sont les galets roulés, l’enracinement profond. Et le caractère ferrique, explique-t-il dans l’ouvrage. C’est le fer qui ressort dans le vin, l’impression de sucer un morceau de fer quand on lèche les galets. Les vins de Boutenac, je peux les reconnaître entre mille.

Un sous-sol qui agit comme une éponge

L’ancien rugbyman fait partie de ceux qui ont relancé le dossier de reconnaissance du cru à la fin des années 90. En 1998 précisément, année de la sortie de sa cuvée emblématique La Forge du Château de Villemajou que son père, Georges, avait pressenti comme un lieu-dit unique pour sortir un vin d’exception. D’autres, avant lui, avait perçu le caractère particulier de ce terroir taillé pour le haut de gamme et l’élégance. En 1897, l’œnologue Lucien Sémichon reconnaissait déjà qu’un certain nombre des vins des Basses Corbières possèdent un bouquet particulier donné par les terres gréseuses du Crétacé. C’est un sous-sol qui agit comme une éponge, détaille Jean-Marc Reulet, vice-président du cru et vigneron du Château Hauterive-le-Haut. Quand la vigne a de l’eau au printemps, c’est là que le millésime se prépare. Cela permet de ne pas souffrir de stress hydrique et le sable permet aussi de limiter l’évaporation. En découle une maturation lente et régulière des raisins jusqu’à la vendange. Et des vins d’une extrême subtilité, comme une petite caresse rafraichissante. La palette aromatique tourne autour des fruits noirs, des senteurs de garrigue et de petites notes poivrées qui terminent l’opération séduction.

Le carignan dans la peau

Depuis 2005 et la reconnaissance du cru par l’INAO, Boutenac est positionné au sommet de la hiérarchie des vins du Languedoc. Les critères sont nombreux. On a des rendements faibles, un climat parfait, une alimentation hydrique idéale à l’ère du réchauffement climatique, un assemblage subtil et un élevage plus que délicat, poursuit Etienne Besancenot, responsable de la commission technique du cru et directeur du Château de Caraguilhes. Les vignerons locaux ont surtout le carignan dans la peau. Ce cépage, surnommé le plant dur, décrié et arraché à tout-va à l’époque de la grande lessive, est devenu le roi de la contrée. Un véritable foyer de résistance. Aujourd’hui, on impose 30% a minima dans les vins de Corbières-Boutenac et c’est une vraie fierté car il en va de notre patrimoine, le carignan c’est l’identité du cru, poursuit le vigneron.

En 2021, ce cépage noir représentait près de 40% des surfaces revendiquées dans l’appellation. Souvent vinifié en macération carbonique, héritage de l’école Dubernet, le carignan perd de sa rusticité pour gagner en noblesse et en rondeur. Il se dévoile sous son meilleur jour avec une bouche ample, généreuse, une chair douce et juteuse, confie Patrick Reverdy, vigneron emblématique du Château La Voulte-Gasparets qui a démarré la « carbo dès 1975. La réputation du domaine s’est faite sur ce type de vin. »
Bientôt une AOC Boutenac !

Etienne Besancenot du Château de Caraguilhes et quelques cuvées dégustées lors d’un diner réalisé par le chef Fabien de Bruyn - Crédit photos : Yoann Palej)
Etienne Besancenot du Château de Caraguilhes et quelques cuvées dégustées lors d’un diner réalisé par le chef Fabien de Bruyn - Crédit photos : Yoann Palej)

Mais le cru Boutenac, c’est aussi et surtout un collectif. En 1993, la commission d’enquête de l’INAO relevait un groupe d’hommes unis derrière un même projet, des outils de production performants et la présence d’un vin de terroir, typique et de qualité. Dix ans après, la délimitation du Corbières-Boutenac prend forme : 2668 hectares classés sur dix communes. Jean-Marc Reulet se souvient : Tous les membres de l’association avaient la même ligne directrice : faire de Boutenac une des appellations locomotives du Languedoc. Aujourd’hui, le cru a même un train d’avance. La trentaine de producteurs (27 caves particulières et 4 coopératives) maitrise la montée en puissance commerciale de leur appellation. Et l’Etat français a homologué en août 2020 le nouveau cahier des charges des règles de production en AOC Boutenac. Désormais, la balle est dans le camp de l’Union Européenne qui doit donner son feu vert prochainement pour l’utilisation de la dénomination AOC Boutenac sur les étiquettes. On a vraiment une chance incroyable de faire partie de cette aventure humaine incroyable, conclut David Latham, président du cru et vigneron au Château Saint-Estève. Désormais, les vins sont valorisés à leur juste valeur et l’export leur fait les yeux doux.
Cerise sur le gâteau, les plus grands chefs étoilés de la région comme Gilles Goujon, Lionel Giraud ou Franck Putelat leur ont ouvert leurs portes.

Coups de cœur de dégustation

Contexte : le mardi 10 mai, le Syndicat avait convié quelques journalistes à une grande dégustation de millésimes à la vente et de vieux millésimes au sein du Château de Boutenac, siège de l’AOC Corbières-Boutenac.

Deux des cuvées coup de cœur de la grande dégustation menée par le syndicat du Cru Boutenac - Crédit : Yoann Palej
Deux des cuvées coup de cœur de la grande dégustation menée par le syndicat du Cru Boutenac - Crédit : Yoann Palej

Sélection (note sur 20) :

• Château Aiguilloux / Infinity 2018 (18)
• Château Saint-Estève / Ganymède 2018 (17.5)
• Château Ollieux-Romanis / Atal Sia 2019 (17)
• Domaine La Bouysse / Mazerac 2018 (17)
• Château Hauterive-Le-Haut / L’Averal 2019 (16.5)
• Château de Villemajou / Grand Vin 2019 (16.5)

Pour les vieux millésimes, mentions spéciales à :

• Château Saint-Lucie-d’Aussou / Bella Dama 2010 (18.5)
• Domaine La Bouysse 2013 (18)
• Château de Caraguilhes / L’échappée belle 2014 (17.5)
• Château Aiguilloux / Anne Georges 2016 (17)
• Celliers des Demoiselles / Messaline 2012 (16.5)

Evénement à ne pas manquer

Les 22 et 23 octobre prochains, le Syndicat du Cru Boutenac organise le premier marathon du Boutenac en Corbières. Plus d’informations sur ICI.

Visuel de couverture : Les vignes du Cru Boutenac et la fameuse chapelle Saint-Martin-de-Gasparets - Crédit photo : Cru Boutenac

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