Comment se diversifient les propriétés viticoles ?

Comment se diversifient les propriétés viticoles ?

Les vignerons n’ont pas attendu la crise sanitaire pour diversifier leur activité ! Gîtes, tables dans les vignes, ateliers et bien d'autres explosent aux quatre coins du vignoble depuis quelques années. Dans un contexte sous tension, voici comment ces mutations peuvent aider les vignerons à garder le cap, et leurs vignes.

L’œnotourisme, principale voie de diversification empruntée par les vignerons ces dernières décennies, n’en est plus à ses balbutiements ! Avant que la crise sanitaire ne s’installe durablement, on recensait 50 millions d’œnotouristes dans le monde, dont 10 millions sur le seul territoire français (Source Atout France). Catherine Leparmentier, Responsable du Développement du Tourisme International à la CCI et Secrétaire générale du Réseau des Capitales de Grands Vignobles, définit ainsi l’œnotourisme : C’est un ensemble d’activités touristiques tractées par l’attractivité du produit « vin. Ce tourisme est œno uniquement par l’endroit où il se pratique et il représente une source de diversification et de revenus parfois importante pour les vignerons ».

Pour l’experte, il y a 30 ans, faire du vin était la seule priorité des producteurs… Puis, les marchés se sont restreints. On leur a dit qu’ils devaient aider à la commercialisation de leur vin. Alors, certaines propriétés se sont transformées pour commercialiser leurs bouteilles, et les exporter. Puis alors, pour se développer encore davantage, les vignerons ont dû à nouveau se métamorphoser en guides touristiques, note-t-elle. Ces ramifications dessinent à présent une nouvelle cartographie du métier de vigneron ! Face aux aléas climatiques qui pèsent sur la récolte, à la baisse des exportations, aux contraintes environnementales de plus en plus fortes, les vignerons sont obligés de rebondir, de s’adapter. Mais, pour que l’œnotourisme fonctionne, il faut l’intégrer pleinement à la stratégie d’entreprise. Les propriétés doivent s’impliquer dans la création d’un système de commercialisation qui n’est pas lié à la production de vin. Et pour cela, du personnel formé doit être mobilisé, met en garde Catherine Leparmentier.

La vie de château : le succès de l’hébergement au domaine ?

Cette opinion, Kathleen Van den Berghe, propriétaire du Château de Minière, sur l’appellation Bourgueil, dans le Val de Loire, la partage pleinement : Pour moi, l’œnotourisme est un autre métier. C’est une activité à plein temps qui exige une équipe dédiée.

L’une des chambres proposées dans le manoir à la location du Château de Minière
L’une des chambres proposées dans le manoir à la location du Château de Minière

Son manoir du XVIIème siècle qu’elle a entièrement rénové, en conservant son cachet, et ses gîtes sont ouverts à la location toute l’année. Pour le restaurer, nous avons fait un investissement colossal sur au moins 100 ans, explique-t-elle. En revanche, dans les années de gel, comme en 2016 et 2017, la location nous a bien aidés et, en période de crise sanitaire – comme cet été – notre clientèle était désireuse de séjourner dans un endroit paisible et connecté à la nature, comme le nôtre. Plus largement, la propriétaire envisage ce mode de diversification de son activité viticole comme un moteur parallèle. Mon but est que les gens s’imprègnent du vignoble, que leur expérience soit liée à la mémoire de nos vins. Cela participe à la notoriété durable du domaine, explique-t-elle.

Au Château de Sannes, dans le Luberon, plusieurs bastides dotées de 15 chambres avec tout le confort moderne, ont également été réhabilitées. En location privative, elles sont de plus en plus recherchées par des hôtes qui désirent se mettre au vert loin du contexte sanitaire, explique Erwan Thill, le directeur commercial. Lorsque l’on a une baisse de rendement, lorsque l’on doit restructurer le vignoble ou bien reconstruire un chai neuf, ces deux structures s’équilibrent, illustre-t-il.

Se diversifier en dressant le couvert au domaine

Pierre Bories du Château Ollieux Romanis, sur le secteur des Corbières, a rencontré un franc succès tout au long de l’été avec La Touketa son bar à vins et tapas, installé dans une structure démontable en surplomb des vignes.

Le bar à vins et tapas du Château Ollieux Romanis
Le bar à vins et tapas du Château Ollieux Romanis

On a pas fait ça pour l’argent mais plutôt dans une volonté de valoriser nos vins. Ce qui a été extraordinaire, c’est qu’on a réussi à créer de vrais moments de convivialité avec une clientèle qui a compris notre métier, raconte-t-il. Désireux de réitérer l’expérience l’été prochain, le vigneron reconnaît que La Touketa lui a permis de créer de l’attachement à ses vins et de dynamiser ses ventes.

Slow tourisme, slow life, biodiversité ; les autres facettes de la diversification

Yoga, sylvothérapie, balades dans les vignes… La propriété viticole – au cœur de la nature – permet le développement du slow tourisme, explique Catherine Leparmentier.

Le Château de Sannes est en polyculture pour favoriser la biodiversité au domaine
Le Château de Sannes est en polyculture pour favoriser la biodiversité au domaine

Le Château de Sannes, qui propose la plupart de ces activités inédites, va encore plus loin dans la démarche. La nature nous offre beaucoup de choses. Il faut savoir l’écouter, explique E. Thill. Le vignoble de 33 hectares cohabite avec 320 oliviers, pour la production d’huile d’olive, 21 ruches et des plantations de 3 variétés de blé ancien. Un moulin à vent restauré, servira à terme à la production de farine sur le domaine. Pourquoi cette forme de retour à la polyculture, au-delà d’un intérêt financier ? Même s’ils participent à la valorisation du domaine, le miel et l’huile d’olive représentent une part anecdotique de nos ventes. En revanche, la diversification des cultures nous permet de renforcer la biodiversité sur le domaine et ainsi, la qualité de nos vins. En mars-avril, pour partager les avancements au domaine, le Château de Sannes s’est dotée d’une boîte à outils digitale - site e-commerce, newsletter - devenue indispensable en temps de crise.

Diversifier sa propriété viticole avec la digitalisation

Le Château Feely a créé une véritable plateforme de dégustations virtuelles
Le Château Feely a créé une véritable plateforme de dégustations virtuelles

Avec la crise, on a vu l’émergence de plateformes de e-commerce et de nouvelles expériences viticoles virtuelles. En Espagne et en Italie, par exemple, les ¾ des propriétés ont créé un service de vente de vin en ligne dans l’été, présente Catherine Leparmentier.
Le Château Feely, une propriété de 7 hectares, qui produit des vins biodynamiques en Dordogne, a pris le virage numérique lors du confinement, au printemps dernier. Quatre catégories d’expériences virtuelles sont proposées sur son site internet à la clientèle ! Destiné à un public essentiellement anglophone (pour le moment), le pack Découverte du vin comprend l’envoi à domicile de 12 cuvées avec un accès à 8 modules de cours en ligne enrichis de vidéos et de fiches explicatives. Evénements connectés et expériences de Team Building sont également au menu. Caro Feely, la propriétaire et animatrice certifiée, a bien compris la nécessité absolue de se diversifier par le numérique pour résister.

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