Confréries : origine et existence

Confréries : origine et existence

Une confrérie, tout le monde en connaît forcément une.
Mais savez-vous quels sont leurs rôles ?
Pourquoi la tradition, souvent vieille de plusieurs dizaines de siècles, est-elle toujours perpétuée ?

Avec Toutlevin.com, je vous propose une mini-série qui s’étirera sur quelques articles afin de faire un petit tour de France et du monde de ces organisations qui intriguent ceux qui n’en font pas partie et dont les membres entretiennent le mystère. Plongez avec moi dans cet univers à la frontière du mystique et du folkore.

Rafraîchissons-nous la mémoire. Ce premier opus sur les confréries va nous permettre de comprendre d’où viennent-elles, pourquoi ont-elles été créées et comment subsistent-elles.

Retour aux origines

Le mot Confrérie a plusieurs origines qui fleurent toutes avec la religion mais qui sont avant tout laïques.
Au XIIe siècle, il se prononçait confrarie et signifiait une commission disciplinaire religieuse. Puis au XIIIe siècle, il évolue vers un aspect plus professionnel comme le regroupement de métiers.

Mais son origine plus ancienne remontrait à l’époque romaine où, il existait autant de confréries que de métiers et chacune d’elle avait son propre dieu à vénérer.

Attention, ces confréries ne sont pas à confondre avec les communautés de métiers qui elles, défendaient strictement les intérêts des métiers en leur sein. Ceci étant dit, au fil du temps, la frontière entre le religieux et le corporatisme professionnel s’est réduite et désormais le côté religieux représente plutôt une caution historique chargée d’histoire dont les rites sont perpétués à des moments clés chaque année.

Mais le terme de confrérie est finalement assez large car il ne faut pas oublier l’aspect militaire de certaines d’entre-elles au moyen-âge. Même la très avant-gardiste république de Venise avait créé bon nombre de schole (prononcez skolé) dont chacune avait un but précis : charité pour l’une, regroupement de citoyens pour d’autres afin de faire valoir leurs droits ou mutualiser les ressources, défendre des intérêts professionnels de certaines activités de la cité, lutter contre les épidémies, etc… Si on veut simplifier à l’extrême, on pourrait dire que ces scholes vénitiennes étaient presque les ancêtres des associations à but non lucratif que nous connaissons aujourd’hui et dont chacune défend une cause bien particulière.

Jurade Saint-Emilion - Crédit photo : ALANTA
Jurade Saint-Emilion - Crédit photo : ALANTA

Histoire et religion souvent liées

La présentation historique succincte étant faite, penchons-nous sur les confréries bachiques ou viniques. Quels sont leurs buts ? Qui sont les meneurs ? Et enfin, à qui profite ce business ? Pardon, pardon, je m’égare et me prendrais presque pour un envoyé spécial de télévision. Reprenons si vous le voulez bien. Par qui et pourquoi les confréries bachiques ont-elles été créées et comment certaines d’entre-elles sont encore bien ancrées dans le paysage viticole français et international des centaines d’années après leur création ?
Enquête.

C’est au XIIe siècle avec un système féodal fatigué et de moins en moins capable d’administrer le Royaume de France dans sa globalité que les premières confréries viticoles virent le jour afin de gérer localement la manière de produire du vin. La plus vieille des confréries liées à cette activité serait l’Antico Confrarie de Saint Andiu de Galiniero à Béziers dont sa création remonte à 1140, suivie de près par la célèbre Jurade de Saint-Emilion en 1190, sans doute la plus connue du bordelais. Elles avaient pour but de réglementer la production de vin et de maintenir une certaine qualité minimale dans la production.

Les vignerons avaient déjà à l’époque compris qu’ils avaient de l’or entre les mains et ont très vite décidé de hisser leur production à un certain niveau. La religion n’avait finalement pas forcément sa place dans ces associations mais je dirais plutôt une certaine connotation religieuse due simplement au fait que la France était alors un Royaume gouverné par des rois qui se succédaient dans une logique on ne peut plus pieuse . Et désormais comme je le disais plus haut, bien que les célébrations des confréries bachiques se fassent encore bien souvent dans des églises, j’y vois plus une tradition historique voire une caution spirituelle qu’une réelle motivation de croyance ou de foi au sens strict du terme.

Il existe rien qu’en France, un peu plus d’une centaine de confréries (ou commanderies, jurades, collèges…) officiellement recensées mais dans les faits, il doit y en avoir bien plus de manière officieuse entre les regroupements de vignerons, les cercles d’amis de telle ou telle appellation, de tel cépage même, la liste est non exhaustive.

Transmission et partage

Elles ont pour but principal de transmettre les valeurs du vin, sa promotion à travers les sociétés et également de perpétuer une tradition historique afin de faire rayonner le divin nectar au-delà des appellations. Même si la plupart des confréries que nous connaissons aujourd’hui ont été créées au cours de la 2ème moitié du XXe siècle (je casse un mythe désolé), elles ont toutes pour point commun de faire référence à des temps anciens, sorte de référence spirituelle ou gage historique.

Mais le folklore (au sens noble du terme) lié à ces confréries permet avant tout de faire parler des appellations et de partager des valeurs humaines qui elles, sont bien concrètes et qui se transmettent au fil des intronisations. Venez voir à quoi ressemble la fin d’un banquet d’une jurade par exemple, vous ne serez pas déçus. L’ambiance très solennelle qui y règne au début de la procession est très différente des chants peu orthodoxes de fin de repas ! Bonne ambiance assurée et peu importe la confrérie dans le monde, elles se ressemblent toutes sur ce point de la convivialité. Car après tout, le vin dégusté lors d’une grande tablée n’a-t-il pas pour vocation d’être convivial ?

Jurade Saint-Emilion - Crédit photo : JB NADEAU
Jurade Saint-Emilion - Crédit photo : JB NADEAU

Comment devient-on membre ?

Et au fait, comment fait-on pour être membre d’une telle organisation ? Cela a un petit côté mystérieux, caché, secret, comme un roman de Dan Brown. Et bien là encore, la tradition moyenâgeuse se transmet encore et toujours. On ne fait pas la demande, on se fait parrainer par un membre. Les intronisations sont souvent axées sur les mêmes rituels publics avec une ou deux questions sur le vin et l’appellation, une dégustation à l’aveugle pour certaines mais toutes demandent aux nouveaux membres de réciter le serment du partage des valeurs de l’appellation à travers le monde. Mais c’est surtout le rire et la bonne humeur qui caractérisent une intronisation.

Quant aux profils des nouveaux entrants, ils sont très variés. Bien souvent ce sont des personnalités, qu’elles soient artistes du cinéma, théâtre, auteurs, politiques et j’en passe ou bien des inconnus mais qui sont en coulisse des acteurs majeurs des filières viti-vinicoles.

Le but de ces intronisations est de faire rayonner au maximum le vin au-delà du local. Et le simple fait de voir défiler ces confréries plusieurs fois par an dans les villes un peu partout en France et dans le monde, donne envie aux gens de se renseigner, si ce n’est pas sur le vin, au moins sur le pourquoi du comment des personnes habillées majoritairement en rouge/bordeaux et en hermine, se baladent joyeusement dans les rues, drapeaux à la main et sourires aux lèvres, regards concentrés et émus pour les nouveaux entrants.

Je vous donne rendez-vous rapidement pour le premier épisode sur une confrérie bordelaise. A très vite !

Crédit photo couverture : JB Nadeau

Retrouvez les articles suivants de la série :

Confréries #2 : la Jurade de Saint-Emilion
Confréries #3 : La Confrérie des Chevaliers du Tastevin

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