D'où viennent les expressions du vin ?

D'où viennent les expressions du vin ?

D’où viennent les expressions faisant référence au vin et couramment utilisées ?
Leur sens est parfois limpide, d’autres ont pris des libertés par rapport à leur signification d’origine, d’autres encore se retrouvent dans un grand nombre de cultures de par le monde.
Découvrez leurs origines et significations dans ce petit voyage linguistique et historique !

Mettre de l’eau dans son vin

Hérésie ultime pour les amateurs, mais bénédiction pour les piliers de bar de tous horizons. Si couper le vin (avec de l’eau, donc), dénature profondément sa nature (du goût, à la structure et la texture), cela a aussi l’avantage de retarder les effets de l’alcool en diminuant sa concentration. Cette expression trouverait sa source chez les philosophes de la Grèce antique, qui, s’inspirant de Dionysos, le dieu grec du vin, mettaient de l’eau dans leur vin afin de retarder le moment où ils rouleraient sous la table plutôt que sur les grandes théories.
Synonyme de concession et de compromis, de retour à des considérations plus réalistes que celles envisagées, cette expression conserve le sens déjà en cours au 17ème siècle, à savoir modérer ses passions comme la chaleur excessive du vin est tempérée par le meslange de l’eau (signé : Fleury de Bellingen), permettant parfois de viser plus loin, comme le souligne Jules Renard : pour arriver, il faut mettre de l’eau dans son vin jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de vin.

Boire le calice jusqu’à la lie

L’origine religieuse de la chose ne fait pas vraiment débat : celui qui officie à la cérémonie religieuse buvait le sang du Christ dans le calice, jusqu’au bout, quand bien même le fond dudit calice était tapissé de lie de vin, âcre et désagréable.
La dévotion n’a donc cure des petits désagréments qui jonchent le chemin du fidèle, mais pas seulement : le calice faisait également référence à la colère de Dieu. Ce qui, par extension, donna la signification au 18ème siècle d’une épreuve cruelle, sens par ailleurs plutôt conservé par nos cousins québecois, pour qui le juron calice permet d’exprimer la colère et l’agacement. Ca va bientôt finir, ce confinement, Câlisse ???. Par exemple.
Ce qui rejoint le sens communément attribué à cette expression : souffrir jusqu’au bout d’un malheur, ou subir une humiliation. Illustration de ce dernier sens avec Flaubert, dans l’Education sentimentale : ... accumulez outrage sur outrage, ne vous gênez pas, Monsieur (…), je suis résignée à tout, j'accomplirai mon devoir jusqu'au bout, je boirai le calice jusqu'à la lie, jusqu'à la mort.
Mais il arrive que parfois, cette expression soit employée dans le sens inverse : certains l’emploient pour signifier qu’ils profitent au maximum, voire au-delà du maximum. De là à dire que cette utilisation est orthodoxe, pas sûr.

Le pot-de-vin

Cadeau chéri ou redouté de certains élus, le pot-de-vin a officiellement mauvaise presse et signifie qu’une somme d’argent a été donnée à quelqu’un, en échange d’un service rendu, de manière illégale.
Historiquement, cette expression serait née au Moyen-Âge, et revêtait plutôt le sens de l’actuel pourboire (pour boire) : il s’agissait de gratifier quelqu’un d’une petite somme suffisante pour se payer un verre, ou littéralement, lui offrir directement le vin au pot, en remerciement d’un service rendu à rendre.
Cette expression couvrait donc une réalité toujours à l’œuvre aujourd’hui : votre ami Jean-Kevin vous a aidé à déménager, vous lui payez l’apéro le soir.

Quand le vin est tiré, il faut le boire

En apparence mantra absolu des pros du lever de coude, cette expression trouve son origine dans la pratique vigneronne ancestrale et toujours d’actualité consistant à faire sortir le vin de son contenant, a priori dans un verre, ou directement dans un humain, ça dépend de l’âge.
Dans tous les cas, cette expression signifie clairement que lorsque l’on s’est engagé dans une affaire, il faut aller au bout, terminer ce que l’on a commencé.
Cela peut également faire référence à une situation où une erreur a été commise ou que l’on s’est engagé à la légère, mais qu’il faut assumer son choix jusqu’au terme de l’action ou de sa résolution.
Le mot de la fin à Marcel Pagnol, qui conseille vivement que quand le vin est tiré, il faut le boire, surtout s’il est bon. CQFD.

In vino veritas

Sans doute l’expression la plus répandue de par le monde. Pline l’Ancien l’avait déjà formulée, le Talmud rappelle poétiquement que lorsque le vin entre, le secret sort, Søren Kierkegaard en fait le titre de l’un de ses essais philosophiques (rapportant le discours de cinq convives sur l’amour, dans la tradition du banquet platonicien, dirigé par un symposiarque (c’est-à-dire un MC antique), veillant à ce que les convives atteignent l’ivresse à la vitesse et l’intensité voulues, afin d’amener à plus de sincérité, d’intelligence entre eux).
Mêmes pratiques du temps de nos ancêtres les Gaulois : selon Tacite, les chefs et aristocrates germains et gaulois avaient coutume, avant de prendre une décision importante, de se réunir dans un immense banquet qui tournait à la soûlerie générale. Les idées nées de l'ivresse étaient listées et constituaient la base des décisions adoptées le lendemain.
Rabelais l’a paraphrasée ainsi : le jus de la vigne clarifie l’esprit et l’entendement, apaise l’ire, chasse la tristesse et donne joie et liesse.
Mais même si vous avez l’alcool triste, le vin vous fera avouer des choses d’ordinaire cachées sous le tapis ou tout simplement peu souvent révélées.
Cette expression a une cousine : la vérité est au fond du verre, et une petite sœur : in acqua sanitas (dans l’eau, la santé).

A bon vin point d’enseigne

Peu d’intrigue aussi pour cette expression : pas besoin de publicité quand le produit est bon, la renommée se fait toute seule.
Spéciale dédicace au secteur du marketing.

Le vin, c’est bien, mais le vinaigre n’est pas en reste côté expressions.

Quand le vin se détériore et commence à piquer, il tourne au vinaigre, à l’image de certaines relations. Cette expression aurait pour origine les vendeurs de vinaigre qui criaient dans les rues leur produit, afin de le vendre. Des relations qui se tendent, des cris fusent, cris : comme les vendeurs de vinaigre au 19ème siècle, et voilà une paternité potentielle pour cette expression.
Pour certains, pas question de faire vinaigre le matin : tout plutôt que de se dépêcher.
Si les guêpes ne sont pas folles, les mouches non plus : elles savent parfaitement reconnaître ce qui est bon et se feront plus facilement attraper par un Château Yquem que par du vinaigre. Douceur et charme peuvent donc piéger ou du moins attraper plus efficacement que dureté et aigreur.

Côté charme et relations humaines, les Italiens ont quelques perles de sagesse.

On reste dans la métaphore agricole pour signifier que l’on reçoit comme on a donné, mais foin de graines et place au tonneau, qui ne peut donner que le vin qu’on lui a confié.
De même, il vaut mieux se garder du vinaigre de vin doux, équivalent de notre conseil de craindre la colère de la colombe : évitez de provoquer le courroux d’une femme, et en général de toute personne d’un naturel doux, car les êtres enclins à la douceur sont ceux dont le ressentiment est réputé le plus difficile à calmer et le plus redoutable, une fois que leur patience a été poussée à bout.

En ces temps de confinement et de préoccupation pour notre santé à tous, n’oublions pas que selon Pasteur, le vin est le breuvage le plus hygiénique qui soit. Si vous ne pouvez plus voir votre intérieur en peinture, buvez : selon Charles Baudelaire, le vin sait revêtir le plus sordide bouge d’un luxe miraculeux.
Enfin Mesdames, misez sur le Champagne : la Marquise de Pompadour était catégorique : c’est bien là le seul vin qui laisse la femme belle après boire.

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