Gel dans les vignes…

Gel dans les vignes…

Depuis mardi dernier (le 18 avril), le territoire français est victime de nuits et surtout de débuts de matinées glacées… de -1°C à -3°C…

Effectivement, nous l'avons ressenti, après avoir profité de belles journées ensoleillées et chaudes, nous avons remis nos manteaux d'hiver depuis quelque temps…

Difficile de mettre un manteau sur la vigne en revanche. Même s'il existe quelques techniques de lutte, il faut savoir qu'un bourgeon qui gèle (qui passe en dessous de la barre des 0) est un bourgeon qui ne produira pas de fruits… Et sans fruit, il n'y aura pas de vin.

Du côté de Chablis

L'appellation de Chablis est touchée régulièrement par ce phénomène de gel comme l'explique Françoise Roure, Responsable de l'antenne du BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne) à Chablis : Cela fait partie de l'ADN de Chablis. A l'époque, avant la mécanisation et les solutions de lutte contre le gel, il ne faisait pas bon être viticulteurs à Chablis. D'ailleurs, la plupart des agriculteurs pratiquaient la polyculture car bon nombre d'années, ce n'était pas le vin qui les faisait vivre.

Fort heureusement aujourd'hui il existe des façons de lutter contre cette catastrophe :

- Protéger la vigne : l'arrosage

Pratique interdite en France lorsque la vigne à soif, elle est autorisé dans ce cadre-là. Le principe est donc d'arroser la vigne afin qu'un cocon de glace se forme autour du bourgeon. Ce cocon permettra au bourgeon de ne pas descendre en dessous des 0°C et ainsi lui permettre de produire un fruit par la suite.

La contrainte : il est nécessaire de se trouver à proximité d'un point d'eau

Crédit photo : BIVB/ Aurélien IBANEZ
Crédit photo : BIVB/ Aurélien IBANEZ
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- Réchauffer la vigne : les bougies, chaufferettes et hélicoptère

Crédit photo : BIVB/ Aurélien IBANEZ
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Crédit photo : BIVB/ Aurélien IBANEZ
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Une technique laborieuse puisqu'elle consiste à installer des braseros à proximité des pieds de vigne. Certes, comme vous pouvez le voir sur ces photos, le paysage est absolument sublime. En revanche pour le viticulteur c'est un moment très stressant. La mise en place est extrêmement longue, il ne dort pas, surveille ses hectares avec beaucoup d'inquiétude et attend avec impatience que le soleil se lève et réchauffe l'atmosphère.

En ce qui concerne l'hélicoptère, cela consiste à voler au-dessus des vignes pour brasser l'air et ainsi ramener l'air chaud au sol. Cette pratique a d'ailleurs été utilisée en Touraine cette semaine : http://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/cote-chateaux/2017/04/26/gel-dans-les-vignes-des-helicopteres-au-secours-des-vignobles-en-touraine-et-dans-le-bordelais.html

Il faut compter un budget de 1000€ de l'heure ou 250€ l'hectare.

Garder un stock de secours : Le Volume Complémentaire Individuel (VCI)

Chablis est précurseur dans cette méthode (complémentaire aux deux précédentes) puisque confronté au problème de gel très souvent. La méthode consiste à constituer un stock de secours l'année précédente. Cela permet de produire un volume convenable et ainsi garder une maîtrise des prix et la viabilité des exploitations viticoles. Cette pratique est extrêmement contrôlée et limité en termes de volume bien entendu. (pour plus d'informations, je vous invite à lire l'article de ce lien

Pratique très importante pour l'appellation mais impossible à mettre en place quand deux années de gel se succèdent… Ce qui est le cas aujourd'hui…

Et puis 2017, en plus de succéder à 2016 qui avait été catastrophique pour l'appellation avec une perte de plus de la moitié en volume, a la particularité de durer longtemps… Depuis mardi 18 jusqu'à cette nuit, les viticulteurs n'ont été épargné que lundi et mardi dernier. Le reste du temps, ils ont dû veiller et prendre des décisions pour protéger leur travail hivernal et donc leur future récolte. La nuit la plus difficile a été celle du 20 avril précise Françoise Roure, malheureusement, il est encore trop tôt pour quantifier de manière précise les dégats. Il y en a c'est indéniable, mais nous ne pouvons pas les évaluer avec précisions pour le moment.

Et ces dégâts, c'est toute la filière viti-vinicole qui va les subir…

Du côté de Bordeaux

A Bordeaux, les appellations sont moins touchés par le gel, en tout cas moins souvent qu'à Chablis par exemple. Il y a eu 1991, une année meurtrière pour les vignes bordelaises qui a laissé un goût très amer aux viticulteurs de la région…

Et voilà que 26 ans après, le cauchemar recommence. La nuit du mercredi 26 au jeudi 27 a laissé un vignoble bordelais meurtri… Certains vignobles ont été touchés à 95%.

C'est la gorge serré que Karl Todeschini, propriétaire du Château Mangot en Saint-Emilion Grand Cru et Château La Brande en Castillon Côtes de Bordeaux, raconte Le relevé de la station météo que nous avons sur Mangot révèle qu'il n'a fallu qu'une petite heure à -1°C pour dévaster notre vignoble. Toutes les parcelles à – de 40 mètres d'altitude sont détruites….

Voici des photos de son vignoble à Belvès de Castillon quelques heures après le gel où 20% des parcelles ont été détruites :

Crédit photo : Karl Todeschini
Crédit photo : Karl Todeschini
Crédit photo : Karl Todeschini
Crédit photo : Karl Todeschini
Crédit photo : Karl Todeschini
Crédit photo : Karl Todeschini

Il y a a priori une sensibilité différente suivant les cépages, les Cabernet-Sauvignon et Cabernets Francs ont l'air d'avoir mieux résisté. En revanche les Merlots, Petit Verdot, Carménère et Malbec n'ont quasiment pas survécu…

Les conséquences

Nous n'avons pas assez de recul pour faire un constat précis. Sur certaines propriétés, si 100% de la récolte est perdue, les équipes viti-vinicole seront au chômage technique pendant plusieurs mois et il n'y aura pas de vendangeurs. Les propriétés n'auront pas de production, les intermédiaires pas de vin à vendre, les entreprises gravitant autour du monde viti-vinicole vont perdre en activité… et ainsi de suite. Comme nous l'avions abordé tout à l'heure, c'est toute la filière qui en pâtit…

Nous souhaitons beaucoup de courage à tous pour cette épreuve… en espérant que le constat ne sera pas aussi lourd que pressenti…

Un grand merci à Françoise Roure du BIVB, Karl Todeschini du Château Mangot (Saint Emilion), Thomas Quintard de Cognac Du Frolet (Cognac) et Boris Desbourdes du Domaine de la Marinière (Chinon), d'avoir répondu à mes questions et tenu au courant de l'étendue des dégâts.

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