Grands Crus classés 1855 : Château Branaire Ducru, 4ème cru classé à Saint Julien

Grands Crus classés 1855 : Château Branaire Ducru, 4ème cru classé à Saint Julien

Dans ce road trip au cœur des grands crus classés en 1855, faisons aujourd'hui une escapade qui nous amène aujourd’hui au château Branaire Ducru. Au sein du microcosme des grands crus classés, encore plus à Saint Julien, Branaire Ducru incarne une idée de l’élégance à la française. Dans la panoplie des codes identitaires d’un cru classé, Branaire Ducru est auréolé de ce fameux chic, parfait équilibre d’une élégance classique, libérée des modes.

Le château Branaire Ducru est un cru dans les règles

Accueilli par le propriétaire, le très élégant François-Xavier Maroteaux, nous fait faire chaleureusement une visite en règle.
Le lieu, son style et celui de François-Xavier ont toute la discrétion de la culture grand siècle.

Je pense tout de suite aux quatre couronnes qui ornent l’étiquette.
Dans la cour d’honneur, l’ensemble architectural est néoclassique de facture directoire. Pourtant rien n’est intimidant.

Le château viticole façon bordelaise, c’est tout à la fois un lieu de production des vins mais aussi de relations publiques.
Ce modèle d’architecture viticole est si spécifique qu’il est devenu tout le symbole de Bordeaux. Un symbole prestigieux, image emblématique et même l'image de marque des produits viticoles de la région. Avec cette façade dessinée à la règle en 1824, le château Branaire Ducru autant pour son vin que sa bâtisse est d’un style parfaitement équilibré. L’origine du domaine est liée au duc d'Epernon, propriétaire du château Beychevelle (lisez notre article Codes Crus classés 1855 : Château Beychevelle, la marque d’un Grand Cru classé 1855).

François-Xavier Maroteaux, propriétaire du Château Branaire Ducru
François-Xavier Maroteaux, propriétaire du Château Branaire Ducru

Son descendant, criblé de dettes, se défait d’une parcelle pour rester en règle. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le sieur Jean-Baptiste Braneyre rachète. Par succession, le château arrivera entre les mains de la famille Ducru, du même nom que le voisin Beaucaillou. Selon la règle aristocratique, les deux noms seront associés à celui de cette terre.
Au début du 20ème siècle, quatre propriétaires nobiliaires sont le marquis de Carbonnier de Marzac, le comte et la comtesse Imbart de la Tour et le comte Henri du Périer de Larsan. Ce sont les quatre couronnes de ces familles qui ornent l'étiquette du domaine.

Une règle d’or

En 1988, le Château Branaire-Ducru devient la propriété d’un groupe familial français sucrier, présidé par Patrick Maroteaux. La famille Maroteaux devient directement propriétaire du cru en 1993.
Initialement le vin est la marotte de Patrick Maroteau, son métier l’amène à fréquenter de grandes tables et à s’initier aux grands vins.
Puis l’intérêt devient professionnel lorsqu’avec son épouse ils désirent élargir le domaine d’activité du groupe familial. C’est pour les Maroteaux un marathon de deux ans à la recherche de “the” château. Ils finissent par jeter leur dévolu sur Branaire Ducru. Dès son arrivée, Patrick Maroteaux fait une coupe réglée de tout ce qui est obsolète et gène la qualité du vin.

La cuvée 2016
La cuvée 2016

Le vignoble est remis à niveau avec l'arrachage de 5 hectares de vignes et des travaux de drainage des sols, une politique devenue incessante. Tout de suite un second vin est créé, Duluc.
En 1991, toutes les installations sont refaites. Le chai est l’un des premiers du médoc à être doté de gravitation naturelle pour permettre un travail plus doux des raisins.
Toute la rénovation conduite par Patrick Maroteaux a été faite autour d’une règle de conduite : produire de l’élégance.

Actuellement, François-Xavier apporte lui aussi sa pierre générationnelle à l'histoire du château et modernise le cuvier. Chantier audacieux, où le bâti est intégralement conservé. Pour maintenir l’opérabilité du chai, une première tranche de travaux est exécutée cette année, une deuxième en 2022.

Plus qu’une règle de conduite, c’est une règle d’or que s’est fixé la famille Maroteaux dès son arrivée au château. Règle qui est à l’origine de l’aboutissement qualitatif du Branaire Ducru d’aujourd’hui :

- Pureté du fruit
- Beaucoup de fraîcheur
- Elégance

Une règle de trois

En fait, c’est une règle de trois, de trois personnes, avec Patrick et reprise par son fils François-Xavier qui lui succède à la direction de la maison, et aussi Jean-Dominique Videau (le Directeur technique).

La pureté du fruit, c’est elle qui, dans notre programmation neurologique alimentaire, rend le vin appétissant et désirable.
Beaucoup de fraîcheur, l’alcool cousin du sucre est classé par notre cerveau dans la catégorie aliment à forte et rapide valeur nutritionnelle. L’alcool procure une sensation aussi rapide de satiété.
La fraîcheur, sous un autre mot la vivacité ou l’acidité naturelle, vient en contrepoint de cette sensation. Sans cette qualité, le vin perd en buvabilité et devient moins attractif.

Dans le profilage d’un grand cru classé, l’élégance est un minutieux cocktail de :
- Finesse des arômes
- Consistance du vin ou sa viscosité versus des tanins (dont le toucher est ainsi parfaitement amorti).
- Clef de voûte de cette construction, une ligne de vivacité dosée chirurgicalement

L'élégance se joue sur la dynamique du goût. Les séquences s'enchaînent très harmonieusement, sans dominance de l’une ou de l’autre, comme une phrase musicale.
Bordeaux a récemment décidé de rejouer la carte de la distinction, après presque trois décennies à produire des vins trop durs. Le Branaire Ducru des Maroteaux a toujours été un fleuron d’une élégance intemporelle.

D’après Francois-Xavier, la position de son vignoble en retrait léger de la gironde permet cette finesse. En synthèse, la finesse et la régularité de cette signature au fil des millésimes en font un grand cru classé bien réglé.

Loïc Siri en dégustation au Château Branaire Ducru
Loïc Siri en dégustation au Château Branaire Ducru

Notes de dégustation

Château Branaire Ducru 2000

Un nez de fruits assez tendres, éthéré, assez complexe. Il n’est pas fatigué. Suivent des notes d’encens. Un patchwork d’arômes qui se succèdent comme une mélodie légère. La bouche est primesautière, aucune lourdeur, tout est délicat. La trame est proche du jus de raisin, juste fluide, ni visqueuse, ni concentrée. La finale arrive tranquillement, la vivacité est languissante. Au toucher, les tanins ne sont pas dissous et laissent penser à une longévité de 5 à 10 ans.

Château Branaire Ducru 2005

Une note de cerise pure éclatante. Boisé un peu cacao suivi d’un petit trait animal qui pointe à peine. Un peu d’aération plus tard vient une note de tabac blond. La puissance aromatique est assez bonne, on sent un petit côté solaire mais à peine. D’entrée de bouche la progression est très mesurée, remplie d’élégance, combinaison heureuse du paramétrage Saint-Julien millésime et style château. Le vin est plus construit sur la deuxième partie de bouche, il se resserre en finale et devient plus métallique. Cette linéarité vient d’une minéralité académique plus marquée que sur le 2000. Il y a de la consistance et du poids pour terminer ce passage en bouche. Un vin sérieux. De la garde, sans aucun doute. Dans 10 ans, une tuerie.

Branaire Ducru 2009

Nez clair cristallin, direct d’une typologie très différente des autres avec des notes vraiment méridionales, presque de garrigue. Deux minutes plus tard le vin s’ouvre, des notes de fruits rouges et noirs généreux débordent. En bouche, une consistance hors norme, avec un toucher qui est très confortable, auquel s’ajoute une dimension hédoniste supplémentaire : pulpeuse. Grosse éclate. Le tout est vraiment couvrant. Les tanins sont complètement pris dans la matière, à tel point que comme la vivacité, ils restent noyés dans la générosité du vin de laquelle finalement rien ne dépasse. La sensualité de cette première partie de bouche laisse la fraicheur arriver vraiment tardivement, alors que toutes les marques solaires de ce millésime sont passées. Une fois l’onctuosité consommée, les tanins se présentent à la mesure de ce vin, généreux, polissés. Si ce vin avait pu courir un risque, ça serait celui d'être alourdi car trop solaire. Un vin généreux, ample, extraverti, mais pas lourdingue. Il n’a pas la fraîcheur que l’on retrouve dans les vins de cette dégustation mais il a vraiment un potentiel de séduction affolant, mais surtout il n’a pas non plus la lourdeur que l’on retrouve habituellement sur les 09. Une garde de 5 à 10.

Château Branaire Ducru 2012

Le premier nez est assez simple, au sortir de la bouteille n’apparaissent quasiment que les notes de barriques. Quelque chose d’assez proche du caramel. En agitant le vin dans le verre, un fruit fin frais apparait avec des notes mentholées et une touche florale. Le séquencement est tonique. Les tanins ressortent un peu fermes, est-ce le fait d’avoir dégusté un blockbuster avant, qui le durcit. Je trouve que le 2012 est en mode fermé en ce moment, je pense qu’il est bien de le laisser bouder dans son coin pendant deux ou trois ans, alors, il aura retrouvé sa bonne humeur et son caractère tendre. A boire dans trois ans donc.

Château Branaire Ducru 2013

Le vin sort charmeur de la bouteille, avec des notes de fruits rouges frais. La définition est précise et s’amplifie de bon cœur vers des notes de coulis. Une petite touche poivrée qui se combine avec un toasté bien dosé. En bouche, il y a une jolie matière avec un soyeux et une petite sucrosité bien contrebalancés par une fraîcheur agréable. Les tanins bien sûr dans leur jeunesse ont ce qu’il faut de granulosité. L’ensemble est super fin, c’est un vin vivant tonique qui a quelque chose de printanier. Un vin à boire sur ses caractéristiques de jeunesse. Il pourra bien sûr attendre 5 ans : il a ce qu’il faut sous le capot. Pour être sincère, c’est exactement le type de grand cru que j’aime pour des circonstances décontractées ou pour un dîner romantique. Un vin rempli de bonne humeur.

Château Branaire Ducru 2014

A l’ouverture le vin est fermé et ressortent des notes de fruits qui composent une palette aromatique large où chaque cépage est arrivé au bon moment de maturité. Cela donne un cocktail de fruits dans le même temps rouges et noirs, frais et mûrs. Le tout est timide, on sent que le vin se contient mais qu’il y a la complexité d’un millésime de garde qui va exploser à maturité. Au-dessus plane une note de réglisse qui donne un fini parfait à cette fraîcheur et netteté aromatique. La sensation en bouche est la caractéristique qui m’a le plus impressionné, c’est large, ample, pulpeux : on pourrait y nager. Et sans coup férir, le vin arrête de faire le gentil et des tanins taillés dans le marbre, juste carrés arrivent comme une lame de fond. Si on avait pas compris que ce le vin est fait pour la garde avec un dimensionnement balaise, une vivacité de la même trempe arrive tendue comme un câble en acier. Parfaite correspondance entre le style maison et le style millésime, un must have.

Crédits photos : Loïc Siri

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