La chronique de Loïc et Olivier #8 - Août sans doutes

La chronique de Loïc et Olivier #8 - Août sans doutes

Au mois d'août, nous n’avons plus l’ombre d’un doute.
Sans aucune honte les raisins rougissent.
A la rosée du petit matin, l’oblique du soleil levant illumine les gouttelettes brillantes sur les baies.
Un joli petit trésor de la nature, des pendentifs de saphirs, rubis, et de diamants accrochés à nos ceps.
Ce panorama de parures colorisées de la parcelle est une magnifique promesse.
Toutes les gouttes de sueur, tout le stress s’évaporent.

Bonjour les amis !

Voici un nouveau passage en revue (digitale) de notre vie de vigneron, la huitième sur douze, les choses commencent à devenir sérieuses. Les choses, mais pas nous...
Notre second millésime commence à prendre forme, et nous la redonne après un mois de juillet sur tous les fronts.
La sécheresse a laissé de légers stigmates. Certains pieds fragiles ont perdu des feuilles, quelques raisins ont étés brûlés mais rien de significatif.

En dépit des écarts du nouveau climat, (certains sont encore sceptiques …) la planète pas rancunière nous a apporté juste à temps quelques provisions d’eau salutaire à nos sols.
Sans doute avons nous moins souffert que quelques uns de nos collègues de ce manque d’eau.
La parcelle est assez proche de la rivière. Nos sols, même s’ils sont couverts de graves, sont lourds en profondeur et gardent assez bien l’humidité.

Ce terroir est situé sur le versant du plateau nord de Pauillac, plus humide et donc plus frais. Il aurait été regardé il y a dix ans encore comme un espace viticole de second choix. Mais en ces temps de crise du thermomètre, pas mal de vignerons pensent à la relocalisation de leurs vignes sur ces zones finalement plus clémentes.
Petit clin d’œil à Papa au passage.
Le vin que produit ce sol garde sa fraîcheur. Cette sensation désaltérante qu’un vin ne doit jamais faire oublier. Beaucoup envisagent le vin comme un aliment, comme une oeuvre solide remplissante. Ils le bardent d’arômes, de goûts les plus perceptibles possibles. Mais le vin est une boisson, un rafraîchissement, une onde. Il est presque plus proche du plaisir musical que gastronomique.

On passe au rouge

La viticulture est contraire au code de la route, on s'arrête au vert, même au verre, et on accélère au rouge.
C’est en tout cas ce que font nos petits raisins. Leur changement de couleur est le résultat de tout le travail conjugué fait elle et nous, corps à corps.
Toute l’architecture végétale que nous avons conduite, du sol en passant par la branche, jusqu’à la feuille est contenue dans les raisins.
Cette longue chaîne biologique est à partir de maintenant uniquement centrée sur l’accumulation des sucres et la réduction des acides.
Les baies en quelques semaines vont acquérir cette jolie couleur bleu / violet avec l’apparition des anthocyanes. Celles là mêmes qui feront à la fois la couleur et les tannins de notre vin.

D'abord le raisin

La compréhension et la maîtrise de la partie paysanne, agricole de la plante est vraiment complexe.
A lire ces lignes vous pourriez penser que nous savons parler viticulture. Mais il y a un an, comment dire… nous rasions les murs. Nous savions l’importance fondamentale d’avoir d’abord à produire du bon raisin. Notre incapacité viticole était d’autant plus dramatique que nous reprenions un vignoble dont nous ne savions pas comment il avait été conduit. Papa en bon vigneron taiseux n’avait pas laissé d’infos avant son décès.
Dans ce scénario compliqué, il était impératif de trouver un accompagnement, un conseiller viticole.

Romain Tourdias / Directeur de l’ADAR à Pauillac
Romain Tourdias / Directeur de l’ADAR à Pauillac

L’homme de la situation est Romain Tourdias, le Directeur de l’antenne pauillacaise de la chambre d’agriculture, l’ADAR.
Je me souviens de notre première rencontre à la vigne, je crois que nous avons été aussi surpris les uns que les autres du caractère improbable de cette collaboration.
Olivier et moi avec notre innocence / ignorance de néo vigneron, et lui de se retrouver à suivre deux amateurs au pays des châteaux les plus iconiques de la planète.
Je pense en souriant amicalement que Romain a dû se demander par où il devait commencer. Un choc agriculturel.

Comme il nous l’a exposé au fil de nos rencontres de travail, son action auprès des vignerons est axées sur trois points :
- définir un état des lieux de la vigne
- comprendre quelle vision le vigneron a de son vin
- quels sont les moyens d’action du vigneron

Dans notre cas, aucun de ces trois thèmes n’étaient définis, oups.
Devant notre manque criant d'expérience, il a su graduellement nous indiquer une direction. L’an dernier, la première année tout a été fait à l’arrache...

Au cours de cette première campagne viticole, il y avait à tellement apprendre, à faire, que son premier rôle a consisté à nous donner chaque semaine une feuille de route.
De notre côté nous avons été très scolaires, nous ne sommes pas les fils d’une institutrice pour rien. Mais même en étant scolaires, comment dire, la probabilité de faire des co……… était très élevée. On a frôlé plusieurs fois la catastrophe, mais Romain a su nous faire éviter de gros dégâts.

Les saisons passant, il a progressivement apporté de la pédagogie, nous expliquant les interactions de ce que nous avions fait.
Ayant presque bouclé deux années viticoles avec Olivier, nous commençons à mesurer la complexité qu’il y a de conduire une vigne.
Comme le dit Romain, c’est un métier qui ne ment pas. On retrouve chez lui une discrétion qui est celle de tous les hommes de la terre, des taiseux.

Dans notre univers vin, je suis surpris par l’importance accordée à l’œnologie comparativement à la viticulture. Oenologue ou pas, celui qui fait le vin est celui à qui revient la gloire, alors que celui qui produit le raisin reste dans l’ombre.
C’est en fait complètement paradoxale : faire le vin est évidemment devenu un métier d’excellence, mais dont le cœur d’action n’est que de quelques semaines de vinifications.

Dans le vignoble le calendrier de travail est annuel

En fait , il est même pluriannuel.
Dans cette phase d’apprentissage qui est toujours le nôtre (et pour longtemps encore), même si les fondamentaux commencent à entrer, ici plus qu’ailleurs, il nous faut un bon accompagnement. Romain nous l’a démontré : il est sincèrement un homme de conseil.
Avant tout, c’est un homme passionné par le monde du vivant, naturellement à l’aise avec la biologie.
Son parcours académique est exactement destiné à son métier : il est ingénieur agronome, mais aussi œnologue.
Son étoffe de consultant, il l’a acquise à la dure en officiant dans une cave coopérative. Autant de vignobles, de cas de figure que de coopérateurs pendant presque une dizaine d’années.
Notre condition de petits vignerons ne lui a pas fait peur.
Etre à Pauillac dans l’univers des grands crus lui permet de pratiquer son métier avec un niveau d’excellence que peu de régions peuvent offrir.
Ce qui nous va très bien car il saura nous faire monter en compétence. Avec quelques autres dont j’ai eu autant de plaisir à vous parler, de par leur patience et leur passion, ils font partie de notre équipe, de notre nouveau quotidien. Ca c’est la vie, la vraie.

Attention aux coups de soleil
Attention aux coups de soleil

Le mois d'août est avec le mois de janvier un moment de peu d’action dans le vignoble. Les grappes en changeant de couleur ne sont plus sensibles au mildiou et le tracteur ne sort plus pour les traitements.
Romain nous a confirmé que la vigne est en bon état sanitaire, contrairement à l’an dernier où nous perdions la moitié de la récolte. Nous attendons un peu pour voir mais nous réduirons sans doute un peu le nombre de grappes pour concentrer la récolte.

Le danger maintenant est celui d’une autre pathologie qui adore l’humidité : la pourriture. On est jamais tranquille, sacrée météo. Le changement de couleur des raisins est la véraison. Il annonce le compte à rebours de la vendange, en théorie 45 jours après. Nous commençons doucement à nous organiser, à moitié en vacances quand même.

Merci encore de partager notre aventure, un jour prochain vous pourrez goûter notre vin.
D’ici là, portez vous bien !
Bonnes vacances pour ceux qui y sont, bon courage à ceux qui reprennent.

Crédit photos : Loïc Siri

Retrouvez la série complète de la Chronique de Loïc et Olivier :

- Episode 1 : La chronique de Loïc et Olivier
- Episode 2 : C'est la taille qui fait la différence
- Episode 3 : Tourner en barrique, mais pas que ...
- Episode 4 : Avril 2019
- Episode 5 : Du sol au ciel : sois bio et tais-toi
- Episode 6 : Juin 2019
- Episode 7 : Le gringo, la bimbo, le bobo et le robot
- Episode 9 : Un vin peut en cacher un autre

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