La Romanée-Conti : toujours un mythe ?

La Romanée-Conti : toujours un mythe ?

Les vins de la Romanée-Conti battent les records aux enchères. Avec près de 500 000 € pour une seule bouteille de 1945, ce nectar détient le record de la bouteille la plus chère du monde. Un millésime récent de ce Bourgogne se négocie à près de 100 000 € le flacon. Des prix qui dépassent l’entendement. Pourquoi un tel engouement ?

Les vins de la Romanée-Conti
Les vins de la Romanée-Conti

Une notoriété ancienne

Selon les travaux les plus récents, la parcelle serait née au XIIème siècle du travail des bénédictins de Saint-Vivant qui dépendent de Cluny (un travail de bénédictin !). Elle est vendue en 1584 sous le nom de l’époque Cros des Clous avec sa délimitation qui n’a jamais bougé depuis sa création (1 ha 80 ares, 5 centiares, soit environ 4000 bouteilles). Le nom de Romanée apparaît pour la première fois en 1621 au détour d’une vente.

Les caves de l'abbaye Saint Vivant
Les caves de l'abbaye Saint Vivant

Doté déjà d’un immense prestige, le vignoble avait été acheté en 1760, dans une guerre d’enchère légendaire, à un prix extravagant par Louis-François de Bourbon, le prince de Conti, contre son ennemi juré, Madame de Pompadour, la favorite de Louis XV. Elle prend son nom définitif de Romanée-Conti, et c’est un paradoxe, par les révolutionnaires qui la mettent en vente en 1793 comme bien national.

L’empreinte d’Aubert de Villaine

Depuis les années quarante, le domaine de la Romanée-Conti (DRC pour les intimes) est détenu conjointement par deux familles, la famille de Villaine dont la ferme de l’Allier a longtemps permis de financer les déficits de la viticulture bourguignonne qui pendant longtemps ne roulait pas sur l’or et les Leroy, de prospères négociants qui ont permis de renflouer le domaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Les premiers bénéfices de la DRC ne datent que de 1972. Mais c’est avant tout le cogérant actuel, Aubert de Villaine qui incarne depuis 1974 le domaine par son dévouement et son perfectionnisme.

Aubert de Villaine
Aubert de Villaine

Dès 1985, le domaine de la Romanée Conti est entièrement cultivé selon les exigences de l’agriculture biologique, puis de l’agriculture biodynamique en 2006, certifiées bien sûr, même si le domaine ne le met pas en avant. Plus généralement, le domaine de la Romanée-Conti est un modèle à suivre sur tous les plans sachant que, pour l’essentiel, les vins sont vinifiés en vendange entière, sans que ce ne soit jamais un dogme. Toutes les étapes sont guidées par la haute qualité du vin. Très soucieux de sauvegarder la qualité des plants de vigne, le fameux pinot fin, Aubert de Villaine a créé en 2007 une association qui met à disposition près de deux cents sélections de pinot noir et de chardonnay. Il a été déterminant pour l’inscription des climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’humanité.

Un lieu unique

Le vignoble de la Romanée-Conti est situé au cœur du vignoble bourguignon, dans la prestigieuse côte de Nuits et plus précisément dans le village de Vosne qui, en 1865, demande l’adjonction de Romanée au nom du village qui devient Vosne-Romanée. Elle est entourée de plusieurs grands crus et non des moindres : Richebourg, Romanée, Romanée-Saint-Vivant et Grande Rue. La Tâche est un peu plus loin, tout comme le Clos Vougeot, les Echezeaux et les Grands Echezeaux.

Romanée-Conti
Romanée-Conti

Outre la Romanée Conti, le domaine est propriétaire de La Tâche dans sa totalité (6,06 ha), de 3,51 ha des 7,68 du Richebourg, de 5,28 ha des 9,43 de la Romanée Saint-Vivant, 3,52 sur 8,04 ha dans les Grands Echezeaux, sans compter 4,67 ha dans les Echezeaux. Une des dégustations les plus fascinantes est de pouvoir déguster ces six grands crus situés dans un mouchoir de poche dans le même millésime et vinifiés par le même propriétaire. Le même cépage pinot noir donne six expressions différentes, ce qui est la meilleure manière (hélas très onéreuse) pour comprendre la magie des climats bourguignons.

La Romanée Conti décryptée

 Dites que je veux bien ramper pour la plus petite lampée de Romanée, de Romanée, de Romanée-Conti  chantait Anne Sylvestre en 1974. Le vin de la Romanée Conti a toujours suscité une attention particulière et il a toujours été mis sur un piédestal depuis fort longtemps. Mais pourquoi ?

Les esthètes mettent en avant le raffinement de ses arômes de rose fanée qui sont d’une grande élégance, tout comme sa subtilité. Mais cela ne suffit pas à créer un mythe.

Personnellement, je pense que le mythe de la Romanée-Conti tient à sa singularité. La Romanée-Conti est le se seul vin au monde qui ne laisse aucune marque dans le palais qui porte enfin son vrai nom. La Romanée-Conti n’est qu’arômes, sans la moindre ou alors très peu de sensations matérielles. Pourtant, sur l’analyse, le vin de la Romanée Conti est un colosse par son extrait sec, son niveau d’alcool et d’acidité. Mais en dépit de tous ces paramètres, le vin n’est qu’arômes.

Cette particularité déstabilise souvent les dégustateurs non avertis (moins les dégustatrices) qui lui préfèrent La Tâche, autre cru monopole de la DRC qui est beaucoup plus classique, comme on peut le constater dans de nombreux comptes-rendus publiés à travers le monde. Cette singularité me fait penser au premier tableau de Pierre Soulages que je découvre : campé devant la cimaise, je ne comprends rien. Très gentiment, une dame qui passe près de moi me glisse à l’oreille :  bougez ! . Pensez-y si, un jour, vous avez la chance de déguster une lichette de  la reine des vins de chez nous !  Le mythe est plus que jamais réel avec un vin au sommet de sa singularité.

Crédit photos : Bernard Burthschy

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