Le Chardonnay du nord est né : le Charbonnay !

Le Chardonnay du nord est né : le Charbonnay !

Non il n’y a pas de faute de frappe ni de coquille d’écriture due au stress de bouclage d’un article. Oui, vous avez bien lu Charbonnay ! Mais qui a eu l’idée de vouloir faire du vin sur un terril dans le Nord ? Un illuminé ? Un doux rêveur ? Et bien un peu de tout cela, et il fallait assurément un vigneron pour oser ce pari un peu insensé (sur le papier) . Mais ce genre d’idée totalement atypique, ça me parle. Alors si vous êtes curieux, prenons la direction de la ville d’Haillicourt à côté de Béthune dans le département du Pas-de-Calais et laissez-moi vous raconter cette histoire singulière.

Je ne pensais pas une seconde en créant mon blog il y a de cela quelques années déjà, parler de vin, de terroir, de cépage dans une région plus connue pour sa riche histoire industrielle notamment minière plutôt que pour ses vins. Et pourtant, la vie n’est faite que de projets, tous plus fous les uns que les autres. C’est ce qu’ont imaginé Olivier Pucek et Henri Jammet, deux amis vignerons il y a quelques années. En 2010 pour être précis. C’est Olivier, originaire du Nord, descendant de mineur et vigneron en Charentes, qui a un flash : pourquoi ne pas planter du chardonnay sur un terril ? Jusque-là, ces montagnes, sorties tout droit des entrailles de la terre lors de l’extraction de charbon et autres minerais, étaient reconverties en descente de ski, observatoires et autres activités de loisirs . Et pourquoi pas du vin ?

Il souffle alors l’idée à son ami et voisin Henri Jammet et ce dernier le suit dans l’aventure. En 2011, les 2000 pieds de chardonnay sont alors plantés. Il faudra attendre 2014 pour que les premières bouteilles puissent voir le jour (il faut toujours au minimum 3 à 4 ans après plantation de la vigne pour pouvoir commencer à sortir les premiers jus). Miracle ! Le vin est superbe ! Frais, avec des notes salines, net et droit avec cette typicité relative au cépage : le fameux beurré que j’affectionne tant. Un vrai chardonnay dans sa plus pure expression. Il faut dire que rien n’avait été laissé au hasard quant à l’emplacement exact de la plantation. Sur le terril n°9 de la fosse n°2 de la commune de Haillicourt. Et surtout, sur un versant orienté plein sud avec une forte pente permettant une aération importante et une exposition optimale.

Alors que faire de ces premiers jus ? Impossible alors de les vendre puisque jusqu’en 2016, la loi française n’autorisait la vente de vin produits uniquement dans des régions viticoles. Les quelques centaines de bouteilles produites - entre 600 et 800 - étaient alors réparties entre la ville d’Hallicourt, grandement impliquée dans ce projet, et les membres de l’association créée pour gérer ce projet dont la partie vendanges notamment. C’était donc une aventure humaine avant tout et ça l’est encore. Sauf que désormais, ils peuvent vendre quelques bouteilles qui sont aussi rares à trouver que les Romanée-Conti. Certainement pas dans les mêmes tarifs mais en terme de quantité, plus que microscopique.

Le terril

Mais alors que trouve-t-on dans la terre de ce terril au point qu’un vigneron de renom veuille absolument y planter un cépage blanc ? Bien que le climat du Nord soit peu propice à la vigne, Henri Jammet voit dans le terril un formidable terroir pour y planter du chardonnay. Tout d’abord, il a cet avantage de garder une certaine homogénéité dans la chaleur, à la manière des Graves chez nous ici dans le Bordelais.
De plus, comme la vigne est plantée en hauteur, les vents assainissent et assèchent les pieds de vigne, empêchant ainsi les maladies de se développer. C’est le premier constat qu’ont pu faire les deux amis vignerons : il n’y avait étonnamment pas de maladie et l’état sanitaire des vignes était exceptionnel.
Le terril en lui-même est composé d’ingrédients favorables à la vigne : un sol relativement pauvre avec des schistes et des résidus de charbon permettant ainsi un drainage intéressant (le nerf de la guerre pour les racines de la vigne) obligeant les racines des ceps à puiser l’eau bien plus profondément, exactement comme pour les grands terroirs bordelais notamment. Plus la vigne se bat pour avoir accès à l’eau, plus elle produit des raisins de qualité.
Ici les raisins sont relativement petits mais très concentrés en arômes. La vigne est comme l’Humain, elle s’adapte à tout !

Depuis les vendanges se font toujours dans la bonne humeur, avec les membres de l’association. Aux 45 ares déjà plantés, 40 supplémentaires vont voir le jour non pas sur le terril cette fois-ci mais à proximité sur un coteau calcaire propice également à ce cépage. L’idée faisant son bonhomme de chemin, des agriculteurs environnants ont fait part de leur enthousiasme et de leur volonté de planter à leur tour de la vigne.
Qui sait, le Nord deviendra peut-être dans les prochaines décennies, une appellation à part entière dans le paysage viticole français.
Plus on est de fous, plus on rit ne dit-on pas ?
Merci à Aurélien CHUTAUX caviste de renom à Lille à Les Vins d’Aurélien et également auteur sur son site internet, pour son aide. C’est un des rares à vendre une partie des quelques bouteilles disponibles de Charbonnay et qui suit l’aventure depuis le début.

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