Les écrivains et le vin : Colette, une femme de lettres et de vin

Les écrivains et le vin : Colette, une femme de lettres et de vin

La vigne, le vin, sont de grands mystères. Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre. Elle ressent, exprime par la grappe les secrets du sol. Prisons et Paradis, 1932.

Véritable ambassadrice du vin, Colette a toujours montré son attachement à la Bourgogne et à ses vins.
Née en 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, elle est initiée par son père à la dégustation par un Muscat de Frontignan à l’âge de 3 ans et elle garde un souvenir ému de ce breuvage. Sidonie, sa mère, poursuit l’enseignement de sa fille en lui faisant découvrir la poésie des vins.
“J’ai tari le plus fin de la cave paternelle, godet à godet, délicatement… Ma mère rebouchait la bouteille entamée et contemplait sur mes joues la gloire des vins français.”

Adolescente, elle découvre le Jurançon.
“Une autre fois, le mobilier boiteux, vendu aux enchères sur une placette de village, comportait, entre la commode, le lit de fer et les bouteilles vides, six bouteilles pleines : c'est là que je fis, adolescente, la rencontre d'un prince enflammé, impérieux, traître comme tous les grands séducteurs : le Jurançon.”

Alors qu’elle écrit la série des Claudine, son premier mari Willy lui fait découvrir les vins du Jura.
Divorcée, elle s’offre la propriété de La Treille-Muscate à Saint-Tropez et produit son propre vin de 1925 à 1938. Devenue viticultrice, elle dira “Je suis entrée dans le monde du vin sans autre formation professionnelle qu’une gourmandise certaine des bonnes bouteilles” et Je me vante d’avoir grandi, mûri, vieilli dans la familiarité du vin ; à le tutoyer dès l’enfance, on perd l’esprit d’intempérance et de gloutonnerie ; on acquiert, on forme son goût personnel.

Loin de l’ivresse maladive qu’elle proscrit fermement, Colette préfère savourer et s’émerveille en bonne épicurienne des couleurs, des senteurs et des subtilités de chaque cru avec fascination. Même si elle ne consacre pas de romans à cette passion pour la vigne, le vin reste très présent dans son œuvre et prend place comme dans Chéri où elle cite le champagne Pommery par exemple.
Mais c’est dans Prisons et Paradis et le Fanal bleu que le vin est le plus présent.
Avec délectation, elle aime à affiner son palais à travers les régions.
“Emplis donc, vin, ce verre que je tends. Verre fin et simple, bulle légère où jouent les feux sanguins d'un grand ancêtre de Bourgogne, la topaze d'Yquem, le rubis balais, un peu mauve parfois, du bordeaux au parfum de violette…”

Membre de l’Académie Goncourt, elle rédige une plaquette publicitaire pour un vin de Nuits-Saint-Georges (lisez nos articles sur la dernière édition de la vente aux enchères des Hospices de Nuits-Saint-Georges : Les Hospices de Nuits-Saint-Georges : la rencontre entre tradition viticole et charité) et entretient des échanges épistolaires avec Jean Guillermet, éditeur et viticulteur du Beaujolais de 1943 à 1954 et à Lucien Brocard, négociant en vins et spiritueux de Bercy, de 1941 à 1953 : lettres dans lesquelles elle raconte ses rencontres avec la vigne et les vignerons, ses visites dans les caves tout en y ajoutant ses propres accords mets et vins et les nombreuses vertus que certains breuvages appréciés ont sur elle.

Atteinte de polyarthrite, elle meurt en 1954 et obtient des obsèques nationales avant de reposer au cimetière du Père-Lachaise.
Femme libre, ouvertement bisexuelle, mariée 3 fois, elle reste aujourd’hui une des romancières les plus célèbres en France et à l’étranger.

Le livre Colette, la passion du vin de Bernard Lonjon reprend le contenu des missives où elle parle de son amour du vin avec ses amis pendant leurs années de correspondance.
Si j'avais un fils à marier, je lui dirais : « Méfie-toi de la jeune fille qui n'aime ni le vin, ni la truffe, ni le fromage, ni la musique.

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