Ma tribu médocaine : un Médoc uni

Ma tribu médocaine : un Médoc uni

Dans ce huitième volet, il n’est pas question d’un unique vigneron mais de 150 vignerons ! Un collectif solidaire ayant pour devise “un pour tous et tous pour un”. Avez-vous une petite idée de qui ils peuvent-être ?

Qui sont ces vignerons?

Complètement antagoniste à un Médoc spéculatif, ce collectif solidaire est ancré dans le vignoble médocain depuis quatre générations.

Voici la saga d’une petite viticulture qui a pris en main son destin, indépendamment des voies commerciales imposées de Bordeaux.
Ils ne font certes pas la une des journaux du vin, mais bien loin devant les barons de Bordeaux, leur union possède le plus grand vignoble du Médoc. Ce vignoble couvre mille hectares, c’est tout simplement colossal. Je parle bien sûr du mouvement coopératif, plus particulièrement de la Cave Coopérative Uni Médoc.

“Paysans, ne restez pas isolés, unissez vos volontés” (Jean Jaurès, 1905)

Le mouvement coopératif viticole est la réponse à une grave crise de la filière survenue au début du XXème siècle : “la révolte des gueux”. Phylloxéra, méventes, baisse des cours et guerres vident les campagnes. Dans les années 30, les vignerons du Médoc ont l’envie de s’unir pour partager leur métier, leurs raisins, leurs vins. Presque un siècle plus tard, cet incroyable modèle économique a prouvé sa force.

Dans l’adversité, les médocains ont créé une entreprise solidaire. Le résultat est un cocktail dosant savamment des valeurs utopistes et un pragmatisme économique. L’actualité commerciale viticole, qui n’est pas sans rappeler celle des années 30, démontre encore une fois l’efficacité de la coopération.

Uni Médoc, ce sont d’abord 150 vignerons et familles

Uni Médoc, ce sont d’abord 150 vignerons et familles qui vivent du fruit (des fruits !) de leur travail. Rassembler leurs moyens a permis de construire un super outil pour élaborer et vendre leur vin.
Dans le Médoc, royaume de l’architecture viticole, cette belle cave n’est pas en reste.

Le chai à barriques
Le chai à barriques

Elle possède le plus grand chai à barriques de l’AOC Médoc. Les corps de bâtiment sont harmonieux au regard. Posés le long de la nationale, ils sont dotés de tous les moyens pour faire des vins d’une qualité remarquable. On est bien loin des poncifs de la vieille cave coop poussiéreuse. Sur la route des plages, la boutique, animée par une sommelière et les vignerons eux-mêmes, vend à elle seule 10% des bouteilles. Conseils, cours de dégustation : l'accueil est vraiment sympa. D’une façon générale, j’ai été touché par la chaleur de tous les membres de l'équipe. Au passage, j’en profite pour recommander le son et lumière pendant la visite du chai.

La boutique de la cave coopérative Uni Médoc
La boutique de la cave coopérative Uni Médoc

Uni Médoc est une grosse machine collective. Produire et commercialiser le vin de mille hectares pourrait avoir un effet d’inertie. Mais pas du tout, l'intelligence collective fonctionne bien. On est loin des dérives capitalistiques de certaines coopérations céréalières ou laitières. Les valeurs altruistes ne se sont pas perdues en chemin et le principe de “un pour tous et tous pour un” opère toujours. L’adaptation du métier de coopérateur aux enjeux de la viticulture est constante. Bien sûr, au centre de son activité agricole est la réflexion environnementale.

Le parcours de la production de raisin est soumis à des certifications comme la norme Haute Valeur Environnementale niveau 3, qui concerne 92% des surfaces.

Votés sur le principe égalitaire de un vigneron une voix, les grands chantiers font l’objet d’un accompagnement pour chaque vigneron. L’isolement que connaît l'agriculteur est de fait beaucoup moins prégnant quand on est coopérateur. Le vrai bénéfice de la coopérative, entreprise à but non lucratif, est humain et sociétal.

Les portraits de deux coopérateurs

Au cœur de cette aventure humaine, voici les portraits de deux coopérateurs ordinaires.

Sébastien Couthures, président de la cave et Ingrid Nieuwaal, néo coopératrice
Sébastien Couthures, président de la cave et Ingrid Nieuwaal, néo coopératrice

A la tête de l’organisation, les 150 vignerons ont cru en un homme du cru, en élisant le tout jeune président Sébastien Couthures. Signe de la vitalité de la cave, les coopérateurs ont choisi en leur rang une personnalité incarnant toutes leurs qualités. Fils de petit viticulteur, Sébastien enchaîne au mérite un parcours sans faute, qui l'amènera d’un BEP à une école d'ingénieur. Pour compléter son parcours, il acquiert de l'expérience en vinifiant dans une grande maison à Pomerol et en Nouvelle Zélande. Sébastien est un homme de conviction. Il n’a pas cédé aux chants des sirènes en allant faire fortune dans une viticulture "bling bling", mais il est resté parmi les siens. Exact exemple de l’ascenseur social, quel contraste avec notre époque ! Sa légitimité lui permet d'insuffler une nouvelle dynamique à cette grosse machine. Sobrement, il définit son rôle comme celui d’un animateur.

Ingrid Nieuwaal, néo coopératrice, est un pur produit de l’esprit coopérateur. Fille de vigneron, vigneronne, elle décide pour des raisons d’entente familiale de prendre son envol en créant sa propre exploitation viticole. Mais problème, l’acquisition de terre est un investissement qu’elle ne peut assumer. Par les temps qui courent, même pas la peine de parler d’un quelconque banquier pour la suivre. C’est alors qu’intervient la cave, en lui permettant, par une aide remboursable d’acquérir, planter et développer un vignoble.
C’est l’illustration parfaite de la vocation de la cave coopérative : utiliser le fruit de leur activité non pas pour un actionnaire, mais pour le compte de sa communauté. Génial non ?

Crédit photos : Loïc Siri

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