Portrait d’Amélie Verges, vigneronne au Château Castel La Rose

Portrait d’Amélie Verges, vigneronne au Château Castel La Rose

Celles et ceux qui se représentent le bordelais comme un vignoble à la topographie monotone doivent absolument se prévoir une virée dans l’AOP Côtes de Bourg.

Sur la rive droite de la Gironde et de la Dordogne, à tout juste 35 kilomètres au nord de Bordeaux, 3400 hectares de vignes s’épanouissent sur de jolis coteaux vallonnés à l’accent bucolique.

C’est ici, dans le petit village de Villeneuve, qu’Amélie Verges a grandi au rythme de la croissance de la vigne. Ce sont ses grands-parents, et notamment sa grand-mère, qui, dans les années 70, a eu l’audace de mettre en bouteilles 3000 exemplaires de vin issu de son lopin de terre et de faire du porte-à-porte pour les écouler.

De fil en aiguille, après de longues distances parcourues sur les routes de France afin de développer la vente directe, la superficie du vignoble s’est agrandie, leurs trois enfants ont rejoint l’aventure vigneronne, et le Château Castel La Rose s’est construit en famille. Castel, parce que c’est le patronyme et, La Rose, parce que Gisèle, la grand-mère, aimait les roses.

Même si Amélie a toujours participé à la vie de l’exploitation, de l’effeuillage à l’habillage en passant par les incontournables vendanges, elle a dérogé à un parcours tout tracé en s’orientant vers des études d’avocate. Après 10 années dédiées au barreau, le droit pénal des affaires n’a pas fait le poids quand son oncle, jeune retraité, lui a proposé en 2015 de reprendre le flambeau du château aux côtés de sa mère et sa tante.

Je savais au fond de moi qu’un jour je deviendrai vigneronne, que cet appel des tripes me dirait vas-y !. Aujourd’hui, sa mère étant tout récemment partie à la retraite, Amélie dirige une belle propriété de 26 hectares avec sa tante Caroline, et je peux vous dire qu’elle foisonne d’idées pour l’avenir de Castel La Rose !

Partons à la rencontre d’une femme aux airs d’adolescente, avec son jean slim et son perfecto, son indéfectible envie de croquer la vie de vigneronne, tout en ayant la tête très bien posée sur les épaules...

La WINEista. Pourquoi l’AOC Côtes de Bourg fait-elle craquer ?

A.V. Parce qu’on est un peu rebelle ! On est l’enfant terrible de la famille Bordeaux ! On a toujours eu une communication un peu décalée, très dynamique, moins conventionnelle. On tient aussi à notre identité, on est l’AOP qui a le plus de Malbec planté, cela donne des vins qui sortent de l’ordinaire.

La WINEista. Qu’est-ce que les Côtes de Bourg ont de plus que les Grands Crus Classés ?

A.V. Le prix, on est accessible, sympa ! Ils n’ont pas la même notoriété. C’est plus difficile pour nous de tirer notre épingle du jeu au niveau commercial alors qu’on est tout à fait capable de réaliser des grands vins.

La WINEista. Pourriez-vous envisager de faire du vin ailleurs qu’ici ?

A.V. Ah non ! Je fais du vin parce que c’est ici ! Quand je suis en vacances, que je ne viens pas au domaine pendant une semaine, je reviens et je sais que je suis chez moi !

La WINEista. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ?

A.V. Ce que j’aime le plus, mais qui pose aussi le plus de difficultés, c’est l’imprévu. Quand tu arrives le matin et que tu as organisé ta journée cela ne se passe jamais comme prévu. Il y a beaucoup de décisions à prendre, ça fait monter l’adrénaline !

La WINEista. Qu’est-ce que vous redoutez le plus ?

A.V. C’est l’échec, de me dire que ma génération pourrait faire péricliter ce travail de famille. Pas forcément de mon fait, mais à cause d’une conjoncture difficile comme elle l’est en ce moment.

La WINEista. Quel est votre moment préféré de la vigne à la bouteille ?

A.V. C’est à partir de fin août / début septembre, quand la mayonnaise commence à monter parce que les vendanges arrivent. On va dans les vignes goûter les raisins, les voisins commencent à vendanger alors qu’on prend la décision d’attendre. Et puis on se demande toujours ce que le millésime va donner, comment vont se passer les vinifications.

La WINEista. Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme dans la filière vin ?

A.V. Oui, j’ai eu des réflexions sexistes avec des acheteurs hommes. J’ai senti quelque fois qu’on ne m’accordait pas de crédit parce que j’étais une femme. On m’a déjà dit que je n’allais pas dans les vignes parce que j’avais des mains trop propres. J’ai répondu, attendez je me lave, je mets des gants, je comptais vous proposer mes vins, sauf que là je n’ai plus envie de vous les vendre !

La WINEista. Quelle bouteille ouvrez-vous pour un dîner estival entre amis ?

A.V. Ma cuvée Sans soufre 2019. Parce que c’est un vin sur le fruit, avec des tanins bien enrobés, de la fraîcheur. C’est un 100% Merlot élevé uniquement en cuve.

La WINEista. Et avec quel plat ?

A.V. Il est super avec des grillades, des viandes blanches, une paëlla. Il peut même être consommé à l’apéro.

La WINEista. Si vous étiez un cépage, vous seriez lequel ?

A.V. Le Cabernet Sauvignon, parce qu’il est assez puissant, structuré, très expressif. Le Merlot est trop rond, trop fruité, ce n’est pas dans ma personnalité. Je ne suis parfois pas très diplomate...

La WINEista. Quels sont vos projets pour votre domaine ?

A.V. On est en train de repenser notre offre. On va créer une nouvelle gamme avec des vins moins classiques, plus modernes, qui vont s’adresser à des consommateurs plus jeunes, des bars à vins. On va mettre en œuvre des techniques de vinifications différentes. J’aimerais bien essayer de faire du vin blanc avec des raisins rouges comme les champenois (ndlr : lisez notre article Champagne, êtes-vous plutôt Blanc de blancs ou Blanc de noirs ?). J’ai plein d’idées de cuvées en tête...

La WINEista. Si je vous dis partir en vrille cela vous évoque quoi ?

A.V. Moi aujourd’hui, en tant que cheffe d’exploitation, je ne peux pas me permettre de partir en vrille. Je dois assurer pour les équipes, pour ma famille. Partir en vrille, ce serait en terme de vinification, faire des choses qui n’existent pas à Bordeaux...

Merci beaucoup Amélie pour ce super moment de partage qui donne envie de croquer la vie à pleines dents !

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Visuel de couverture : Amélie Verges, vigneronne au Château Castel La Rose - Crédit photo Audrey Martinez (La WINEista)

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