Qui est Diane Losfelt, la vigneronne de l’année du Château de L’Engarran ?

Qui est Diane Losfelt, la vigneronne de l’année du Château de L’Engarran ?

A Lavérune, aux portes de Montpellier, le Château de L’Engarran est une institution que Diane Losfelt chouchoute depuis 37 ans. Cette ingénieure agronome, qui fut la première femme administratrice au sein du syndicat de l’appellation Languedoc, a été élue vigneronne de l’année par le prestigieux Guide Hachette des vins 2021. Une consécration.

Diane Losfelt pose devant sa <q>folie</q> montpelliéraine du XVIII<sup>ème</sup> siècle, le Château de L’Engarran
Diane Losfelt pose devant sa folie montpelliéraine du XVIIIème siècle, le Château de L’Engarran

L’Engarran sera ta sauvegarde ! Le papa de Diane Losfelt avait vu juste. Arrivée sur la pointe des pieds en 1984 à Lavérune, après des années à travailler dans la recherche biologique, la vigneronne est aujourd’hui indissociable de la réussite du domaine familial de 60 ha. Les experts du Guide Hachette des vins 2021 l’ont d’ailleurs élevée au rang de vigneronne de l’année. Tout sauf un hasard même si elle a été la première surprise. Je vais vous avouer une chose, je ne savais même pas que ce titre existait, précise-t-elle avec un léger sourire. Mais je ne vais pas cacher ma joie, j’ai toujours aimé les bonnes notes et cette reconnaissance valide le travail de tout un collectif, c’est primordial pour continuer à performer. En toute objectivité, il n’y a pas de meilleure unanime et je ne suis pas la meilleure mais cette distinction veut dire quelque chose.

Le vin signature du domaine récompensé

Elle vient légitimer le travail de longue haleine mené de millésime en millésime. Je suis toujours en train d’essayer de faire mieux, encore mieux, toujours mieux, j’aime travailler dans la durée, confie la mère de famille de 62 ans aux yeux verts incandescents. J’ai un terroir qui me le permet et j’ai des vins qui développent, quel que soit leur niveau qualitatif, un vrai potentiel de garde, même sur le rosé. J’ai eu l’occasion de goûter un 1998 incroyable, une sorte de 6ème élément, ni un rouge, ni un rosé, ni un blanc, c’était encore autre chose. C’est du reste ce rosé en AOP Saint-Georges-d’Orques (millésime 2019) qui a reçu deux étoiles dans la dernière édition de la Bible des amateurs de vin, sans oublier un retentissant trois étoiles sur le rouge 2017 du Château de L’Engarran en Grès de Montpellier. Foncièrement parlant, je n’aurai jamais tablé sur celui-là, reconnaît-elle. J’ai dans mes stocks des vins de classification supérieure mais je préfère finalement que cette reconnaissance vienne par le vin signature du domaine. C’est le premier vin que ma mère ait fait et rien que pour ça, c’est historique !

Le fameux millésime 2017 couronné de 3 étoiles au Guide Hachette des vins 2021 - Crédit photo : Yoann Palej
Le fameux millésime 2017 couronné de 3 étoiles au Guide Hachette des vins 2021 - Crédit photo : Yoann Palej

La réussite ou la reconnaissance d’un parcours dans le vin n’est pas seulement masculin

Francine Grill, sa maman, pionnière du passage à la bouteille en Languedoc, en 1978, lui a montré la marche à suivre. A L’Engarran, ce sont les femmes qui créent le vin depuis trois générations. Mon mari aurait pu travailler avec moi mais ce n’est pas le cas. Dans ce genre de scénario, tout le monde voit l’homme à la vigne et la femme au caveau… Cherchez l’erreur ! Cela fait partie de mes batailles. La réussite ou la reconnaissance d’un parcours dans le vin n’est pas seulement masculine. Je suis une vraie vigneronne, à la cave, dans les vignes, dans les bureaux, j’investis, je décide, je tranche…

Quand j’ai démarré, il y avait un rouge et un blanc…

C’est précisément ce qui a aiguisé son appétit lorsqu’il a fallu répondre aux suggestions parentales. Ma première fille est née et quelque chose s’est passé dans ma tête, poursuit Diane Losfelt. J’avais besoin de responsabilités, de créer un chiffre d’affaires, de prendre les choses à bras le corps. Dès lors, cette Marseillaise de naissance fera du Languedoc sa mère patrie. J’ai appris en vivant la vie d’ici et j’ai collaboré à cette grande évolution au sein des syndicats et à titre individuel pour arriver à décortiquer ce qu’est un Languedoc. Quand j’ai démarré, à Montpellier, il n’y avait pas de vins du Languedoc dans les restaurants, ça a complètement changé. Les gens de la région buvaient du Saint-Saturnin et basta ! On a vu l’évolution, c’est une appellation qui s’est hiérarchisée et créée pendant ma vie. Je me sens donc complètement liée au terroir et à ces différentes facettes. Quand j’ai démarré à L’Engarran, il y avait un rouge et un blanc. Aujourd’hui, il y a 17 vins différents qui expriment des personnalités différentes.

Le rosé de L’Engarran est devenue une référence en Languedoc - Crédit photo : Yoann Palej
Le rosé de L’Engarran est devenue une référence en Languedoc - Crédit photo : Yoann Palej

Une réboussière qui adore rire dans le travail

De la personnalité, Diane Losfelt n’en manque pas. Et l’avoue sans peine, Je suis une réboussière (en pays cévenol, une « réboussière est une femme toujours prête à prendre le parti du contraire, le parti du refus, parce qu’elle est viscéralement attachée à son libre choix et à son libre arbitre), je dis toujours non d’abord mais je sais aussi reconnaître mes torts. Je suis sanguine, très exigeante et j’ai un caractère fort », héritage d’une éducation à la dure où il fallait filer droit. Cela ne l’empêche pas de travailler le plus souvent possible dans la bonne humeur. Je m’attache très fortement, je suis sensible et passionnée, j’adore rire dans le travail, j’aime partager et blaguer, j’ai besoin de ça pour avancer ! N’y voyez pas de Docteur Diane et de Mister Losfelt, elle ne souffre pas de doublement de la personnalité, juste d’une passion exacerbée pour son terroir et son domaine. A L’Engarran, c’est le patrimoine qui m’a amené à la vigne. Pour moi, c’est comme une personne qui exerce une fascination, une attraction forte, on a envie de se décarcasser, d’exprimer tout son potentiel pour cette maison, elle nous tient aux tripes.

Des brèves et des cailloux de vendanges

Une implication de tous les instants qui prend tout son sens en période de vendanges. Des morceaux de vie que Diane Losfelt couche sur papier pour les immortaliser. J’écris des petits textes que j’appelle les brèves de vendanges, détaille la vigneronne. Ce sont des petits moments, des ressentis. On en a même déjà fait un spectacle avec la fille d’une amie qui est actrice lors du dernier salon Vinisud à l’Engarran. Il y a aussi ces cailloux de vendanges qu’elle ramasse et qui ont une vraie signification. Par exemple, celui de 2016 représente l’année où ma sœur a quitté l’entreprise, ajoute-t-elle. Ça a été une année difficile où on s’est beaucoup engueulé. J’ai été bousculé, j’ai beaucoup souffert. En allant dans les vignes, ce caillou m’a sauté aux yeux, je me suis dit : « Il est composé de petits trous comme s’il avait été martyrisé par des becs d’oiseaux, c’est tout ce que j’ai vécu cette année, c’est moi !.

En 2017, toute l’équipe pose déguisée après des vendanges à haute intensité
En 2017, toute l’équipe pose déguisée après des vendanges à haute intensité

Je crois fondamentalement au sens des choses, en la nature…

Celui de 2017, en forme de cœur, lui rappellera forcément le décès de son papa. Pour moi c’était son cœur, glisse-t-elle avec émotion. Le lendemain, j’en trouve un plus petit, de la même forme, et j’ai tout de suite pensé à mon premier petit-fils, Aristide, né cette année-là. Spiritualité ou sensibilité exacerbée ? Diane Losfelt a sa petite idée : Je ne pense pas que ce soit de la spiritualité car je reste cartésienne mais je crois fondamentalement au sens des choses, je crois en la nature, je crois qu’elle nous parle, je reçois des messages, je parle à mes vignes, parfois je les engueule, parfois je les félicite… je cherche à être en accord avec la nature, l’odeur de la pluie, le bruit du vent, j’entends ces petits signes et ça me renforce. J’en suis persuadée maintenant, si j’étais restée une fille de la ville, j’aurais raté ma vie !

Les coups de cœur de Diane Losfelt

Son fait d’armes

J’ai été la première stagiaire du prestigieux Château Lafite Rothschild, à Pauillac, aux côtés d’un certain Eric de Rothschild.

Ses vins préférés

J’adore les très grands Bordeaux rouge, vous savez, ceux dans lesquels on peut se vautrer avec délice. Mais aussi les blancs de Quincy, ce Sauvignon offre une vraie salinité et une verdeur très appétente qu’on ne peut pas avoir dans nos régions. Récemment, j’ai découvert les vins de montagne et notamment le Chignin-Bergeron (quelle minéralité !) dont je raffole. Et en toute franchise, j’ai un penchant dangereux pour le whisky (très) tourbé et le Martini.

Son mets préféré

Je ne mange que des confitures maison et l’accord fromage-vin blanc est une douceur dont je me délecte régulièrement.

Ses hobbies

J’aime beaucoup la cuisine, la marche et repasser, mais doit-on vraiment en parler ? (elle explose de rire !)

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