Un havre de paix au sein de Castillon

Un havre de paix au sein de Castillon

On se sent forcément bien lorsqu’on arpente les rangées de vigne d’une propriété n’importe où dans le monde. Mais il y a des endroits où l'on trouve un petit plus. La grandeur d’un vignoble ? Son chai magnifique et flambant neuf ? Ses milliers de bouteilles qui dorment au sous-sol dans le plus grand calme ? Son offre œnotouristique ? Son matériel à la dernière pointe technologique ? Non, rien de tout ça. Ce petit plus est tout simplement un havre de paix et de quiétude niché au cœur d’une belle appellation et entouré des plus beaux vignobles. Pour vivre heureux, vivons cachés !

Je ne saurais comment mieux vous présenter le Clos Louie à Saint-Genès-de-Castillon dans l’appellation des Castillon-Côtes de Bordeaux. Situé à mi-chemin entre deux beaux voisins que sont le Château Fleur Cardinale en appellation Saint-Emilion et le Château d’Aiguilhe en Castillon lui aussi, cette petite propriété se fait discrète et on ne passe pas devant par hasard car la petite route qui la longe se mérite tellement : elle serpente et suit les courbes des parcelles de vignes environnantes.

Les propriétaires, Sophie et Pascal Lucin-Douteau en sont fous amoureux depuis qu’ils ont hérité en 2003 de 40 ares (4000m²) de vieilles vignes pré-phylloxériques, c’est-à-dire des pieds qui datent d’avant l’hécatombe du phylloxera, ce petit insecte qui fit des ravages sur l’ensemble du vignoble français à la fin du XIXème siècle et dont l’issue positive a été trouvée grâce à l’importation massive de plants américains. Les quelques rarissimes plants nommés pré-phylloxériques sont donc devenus des monuments historiques puisque datant d’avant les ravages connus et également une source permettant de faire des greffes sur des ceps plus récents.

Pascal et Sophie Lucin-Douteau - Crédit photo @Emilie Dubrul
Pascal et Sophie Lucin-Douteau - Crédit photo @Emilie Dubrul

Pascal Lucin qui est également le maître de chai du Château Grand-Pontet à Saint-Emilion, connaît donc bien le métier de la vigne et décide, avec sa femme Sophie, de se lancer à corps perdu en parallèle de leurs activités, à la création du Clos Louie comme des artisans. La propriété s’est agrandie au fil des années jusqu’à 4,25 hectares actuellement. Bien qu’ils lorgnent sur quelques hectares supplémentaires afin de continuer leurs expérimentations, Sophie et Pascal ne cherchent pas la quantité mais bel et bien le plaisir et donc en toute logique, la qualité.

Tels des orfèvres, ils ne font que le vin qui leur plaît et qui leur ressemble. Du caractère tout en douceur : c’est ainsi que je pourrais caractériser leurs vins.
C’est donc en toute logique, là encore, qu’ils décident rapidement de gérer leurs parcelles en biodynamie. Une décision naturelle qui demande juste à observer continuellement la vigne et à l’aider, le plus naturellement possible, à donner les meilleurs baies possibles. Mais ne nous y trompons pas. L’exercice de la biodynamie demande un travail de tous les instants et une réactivité instantanée dans les choix à opérer en fonction de la météo.

En plus de la superficie limitée de la propriété, Sophie et Pascal ont décidé de ne pas faire appel à la Place de Bordeaux comme on l’appelle traditionnellement - c’est-à-dire les courtiers et maisons de négoce - afin de vendre leurs vins. Leur production étant à taille humaine et le bouche-à-oreille fonctionnant très bien, ils se passent volontiers et sans animosité aucune de ce marché de la vente traditionnelle à Bordeaux. Ils sont ainsi libres de tout mais avec les risques que cela comporte notamment de devoir toujours entretenir leur réseau de vente.

Leur maison est située au beau milieu de leurs vignes. Dès que l’on arrive sur place, un sentiment de calme et de sérénité vous envahit. Rien ici n’est plat. Tout est vibrant, vallonné, enherbé, la végétation quoique maîtrisée, est laissée libre de s’exprimer en adéquation avec la vigne afin que chaque plante en aide une autre et réciproquement. Quant au chai, avant même de nous présenter la propriété, Pascal et Sophie nous en ont parlé aussitôt avec fierté. Quoique sans doute encore un peu trop grand à leur goût, compte tenu du volume de production, il en reste néanmoins simple, pratique et attenant à leur maison. Typique du schéma architectural des châteaux familiaux bordelais.

Sont plantés sur les parcelles du malbec, des cabernets-francs, cabernets-sauvignons et merlots, sans compter d’autres cépages plus anciens, tous entrant dans la composition de leur cuvée Clos Louie. Les sols sont principalement composés d’argiles rouges, argiles à silex et calcaire. Un parfait mélange permettant à tous les cépages de s’épanouir et de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Toujours en quête de l’expression du raisin dans sa plus grande pureté, Pascal pratique une méthode douce. Des macérations peu longues et des extractions tout en douceur. Quant au vieillissement, il opte en partie pour des contenants plus grands pour un échange avec le bois limité comme ces barriques de 600 litres plutôt connues en Bourgogne.

Les fûts de 600 litres
Les fûts de 600 litres

La première cuvée la plus représentative est sobrement nommée Clos louie avec des parcelles situées à St Philippe avec les fameux ceps pré-phylloxériques de merlot, cabernet-franc et malbec + malbec de 30 ans. Sur Saint-Genès de Castillon, ce sont d’autres cabernets-francs et du merlot de presque 60 ans.
Les vendanges sont manuelles et les raisins triés deux fois : une première directement sur la parcelle et la deuxième à leur arrivée sur la table de tri au chai puis ils sont vinifiés en baies entières. L’assemblage de cette cuvée pour le millésime 2020 est de 60% de merlot, 10% de malbec et 30% de cabernet-sauvignon et franc. Au Clos Louie, on ne cherche pas le bois à tout prix, et ce, bien avant les goûts de certains critiques qui ont un peu donné à Bordeaux, en lissage international des goûts. Ici, le bois sert le vin avec parcimonie. D’où l’utilisation de seulement 20% de fûts neufs à chaque millésime. Le reste étant des fûts ayant précédemment servi à un seul millésime.

La cuvée Clos Louie
La cuvée Clos Louie

Le Clos Louie est une cuvée riche en caractère, le bois étant finement fondu dans le jus, il en ressort cette grande fraîcheur qui me plaît tant. Il y a cette finesse en bouche en première attaque et ensuite la complexité et la diversité des arômes de fruits noirs, de violette ou encore de cacao et de tabac qui commence à opérer. Il y a là un vin avec une identité aromatique très singulière qui lui est propre, voulue par Sophie et Pascal, et nous retrouvons à la fois toutes les caractéristique des vins de Castillon, vifs, gourmands et épicés. Le terroir de cette appellation produit toujours des vins très intéressants et malheureusement trop peu connus comme le Clos Louie.

L’autre cuvée est Louison et Léopoldine avec pour le millésime 2019, 30% de cabernet-sauvignon et 70% de merlots datant des années 60. L’élevage est quant à lui, à la fois en cuve inox et en barriques. C’est un vin plus axé sur le croquant du fruit, encore plus vif et parfait pour accompagner des grillades ou des cochonnailles entre amis. Un vrai vin plaisir facile à déguster empli de fruits rouges.

Chose assez rare que j’ai pu trouver avec les deux cuvées dégustées sur plusieurs millésimes, c’est une trame commune. Une sorte de signature qui malgré la singularité de chaque millésime, permet de retrouver une trame de fond pleine de cohérence et ce, sur les deux cuvées qui sont pourtant bien différentes. Un très joli travail d’autant plus rare lorsqu’il est aussi bien réalisé et facile à comprendre.

Dernière particularité du Clos Louie : Pascal et Sophie Lucin-Douteau ont fait appel à l’œnologue Claude Gros qui est narbonnais. En plein cœur du bordelais c’est un signe fort supplémentaire d’une volonté d’indépendance totale et d’une certaine vision du vin qu’ils veulent produire.

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