Un sacré vigneron

Un sacré vigneron

Les rencontres franco-américaines génèrent des belles histoires. De celles qui marquent l'Histoire mais aussi les petites qui débouchent aussi vers les grandes. De celles qui ouvrent aussi une page radicalement nouvelle dans une vie. Pierre Seillan a cinquante ans quand il rencontre un homme que seul Hollywood peut en offrir et sa femme, Monique, ne va réfléchir longtemps avant de s'embarquer au pays de l'Oncle Sam.
Jess Jackson avait lui aussi une passion, celle de la "Jackson Wine Family" ce qui va faire de ce petit "frenchie" l'acteur de ses ambitions les plus folles, faire le vin dont tout le monde rêve de boire un jour.

Crédit photos Marilyn Johnson
Crédit photos Marilyn Johnson

Sept fois 100/100

Quand je reçois le dossier de presse bien ficelé, je suis immédiatement intriguée. On y parle d'un vin qui aurait reçu à 7 reprises 100/100 de la cotation Parker. Jamais dans les couloirs bordelais, pareil bruit n'avait effleuré mes oreilles. Lassègue, j'en admirais la chartreuse longiligne qui se dore au soleil couchant sur cette fameuse côte plein sud en prolongement des vignobles mythiques de Pavie et de Larcis-Ducasse, dont le chais à l'angle droit s'est érigé sans tapage, en moins d'un an. Le vignoble qui l'entoure est splendide, respire la santé, mené de main de maître. Pierre Seillan, vigneron gersois au caractère bien trempé exporte son savoir en Sonoma, puis en Saint-Emilion.
En ce soir de Primeurs bordelais, une famille m'attend. Deux familles, en fait. Réunies et solidaires.
Barbara Banke, qui a perdu son mari, avocat d'affaires, quelques temps plus tôt, a la distinction de ces américaines "upper class", antinomie de la caricature que certains français, en mal de culture, établissent très facilement à nos cousins.
Sa fille, Julia, gracieuse et longiligne, frange à la Françoise Hardy, fait l'effort de me parler en français, pour m'expliquer un départ imminent pour l'Italie.
Pierre Seillan, est là, trapu, campé, avec le regard de ces hommes qui se trompent rarement.
Ses deux enfants, Hélène aux yeux de velours, et son frère Nicolas à la tête des vignobles bordelais, lui ressemblent. Simples en apparence.
Deux familles que tout opposait et qu'un absent va réunir. Jess Jakson en disparaissant lègue plus qu'un empire en héritage mais une seconde famille.

De ce soir d'avril, je garde la mémoire vive. Le Domaine de la Vérité, basé au nord de San Francisco se décline en 3 crus remarquables, La Muse, La Joie et Le Désir.
Je goûte une Vérité (antinomie des vins confiturés) qui est à elle seule un poème. Entourée d'une Muse inspiratrice, Le Désir vous mène à la Joie.

Crédit photos Marilyn Johnson
Crédit photos Marilyn Johnson

Une Joie inspirée par les grands vins de Pauillac, le Désir dans la lignée des grands merlots de Saint-Emilion et une Muse, très Pomerol.
Nous passons à table qui n'a d'égal que le raffinement du repas qui nous est servi. Pierre Seillan, règne, affable, comme le Parrain.
Quand il me sert le 98 de la Vérité ("mon premier millésime"), j'ai une pensée émue pour tout ceux qui parle de ce fameux "goût Parker". Le vin est un peu comme son géniteur, monobloc au premier abord puis en bouche recèle une telle complexité faite d'épices et de suavité, avec cette fresh touch que j'aime tant, qui me font penser l'espace d'un instant que je n'ai jamais rien goûté de meilleur auparavant.

L'homme

Pierre Seillan, star au pays des cowboys, est un homme surprenant, comme ses vins. De ceux qui savent différencier la dentelle de Calais à celle du Puy, de la pierre de Bourgogne au marbre de Carrare. On le pense rustique, on l'entrevoit romantique, On le pense béton, on le découvre porcelaine de Wedgwood. D'une finesse qui résiste à tout, même aux amplitudes thermiques de la Sonoma, un peu comme la vigne qui se plie à toutes les exigences quand on sait la dompter.

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