Vignerons hyperactifs : mais comment font-ils ?

Vignerons hyperactifs : mais comment font-ils ?

Un domaine viticole, c’est une entreprise en ébullition, qui exige des vignerons qu’ils soient sur tous les fronts. Dans les vignes, à la cave, sur un chantier, au bureau… Aucune journée ne se ressemble ! Découvrez le quotidien de ceux qui carburent à la passion et jonglent avec plusieurs vies.

Laure dans les vignes du Château Sigalas-Rabaud, une propriété familiale qu’elle dirige et développe avec passion - Crédit : @DRSigalas-rabaud
Laure dans les vignes du Château Sigalas-Rabaud, une propriété familiale qu’elle dirige et développe avec passion - Crédit : @DRSigalas-rabaud

Laure de Lambert Compeyrot, Château Sigalas-Rabaud

Chaque jour est un jour nouveau !

Laure dirige le Château Sigalas-Rabaud, Premier Cru Classé de Sauternes, une propriété familiale qui produit des liquoreux mais aussi des blancs secs. Le château a un côté start-up car nous faisons beaucoup d’essais sur les vignes et élaborons des cuvées qui demandent une grande expertise technique, présente la vigneronne à la tête de 14 hectares, plantés au milieu de crus classés. En parallèle, la jolie chartreuse qui regarde le Château d’Yquem, possède 5 chambres d’hôtes et a développé l’œnotourisme à 360°, avec des visites et des expériences gourmandes. Une seconde activité à part entière !
Mais ce n’est pas tout, Laure a également décidé de se lancer dans l’aventure du café Sigalas. Grâce à l’expertise de mes fils, et celle de professionnels des métiers de bouche, nous expérimentions l’affinage de café dans des barriques de sauternes. On a mis en place un protocole et minutieusement choisi le café dont on élève les grains dans les barriques. Au niveau organoleptique, c’est très floral, avec une belle longueur, un côté charnu, beaucoup de sève, une sucrosité en dentelle… Passionnant !, confie-t-elle.
Pour le reste, depuis le choix des porte-greffes à la restructuration du vignoble, jusqu’à la promotion des vins en Chine (en temps normal), aucune journée ne se ressemble. Habituellement, je voyage entre novembre et mars, je participe à des salons à l’étranger…, explique-t-elle.
Le Château Sigalas-Rabaud fait aussi partie d’une association qui s’appelle l’Union des Grands Crus de Bordeaux et à laquelle Laure se consacre aussi.

Laurence et ses co-équipiers à la Ferme Saint-Georges qui développe des projets autour de la permaculture et l’agroécologie - Crédit : Potagers & Compagnie
Laurence et ses co-équipiers à la Ferme Saint-Georges qui développe des projets autour de la permaculture et l’agroécologie - Crédit : Potagers & Compagnie

Laurence Berlemont, Cabinet d’Agronomie Provençale

La création comme moteur

Ingénieure-agronome et œnologue, Laurence Berlemont cumule les titres et les casquettes. Son job ? Accompagner les domaines viticoles de A à Z, de la plantation des vignes à la création de leurs cuvées. Cheffe d’entreprise débordante d’idées, elle a fondé le Cabinet d’Agronomie Provençale il y a près de 25 ans. Outre la viticulture, la structure pilote des projets relatifs à l’ensemble des cultures méditerranéennes avec une vision agro-écologique. Son cabinet gère une centaine de dossiers répartis entre 7 consultants. Nos compétences ne s’arrêtent pas à l’analyse de vin. On est quasiment le directeur technique des domaines dont on s’occupe avec l’objectif de les rendre indépendants au bout de 2 à 3 ans. Notre but n’est pas de donner la « recette du rosé mais de mettre un vignoble sur les rails, en travaillant sur tous les fronts ».

Hervé Morin, Vigneron et brasseur au Domaine de la Rodaie à Saint-Nicolas-de-Bourgueil - Crédit : Jérôme Paressant
Hervé Morin, Vigneron et brasseur au Domaine de la Rodaie à Saint-Nicolas-de-Bourgueil - Crédit : Jérôme Paressant

Une journée dans la vie de Laurence ? Après un réveil aux aurores, Laurence accueille les équipes de terrain à 7h : tractoristes, maitres de chai, ouvriers… qui sont envoyés sur les propriétés pour effectuer les travaux. Briefings internes, réunions, développement de cuvées… Son planning donne le tournis ! Le matin, il m’arrive de me rendre sur un domaine pour vérifier un travail de plantation, ensuite, chez un deuxième client, je participe aux assemblages et dégustations de 10h à 12h, et l’après-midi : dossiers de fond, ingénierie de cave, potagers & compagnie….
Car à la Ferme Saint Georges, où est implanté le Cabinet d’Agronomie Provençale, l’entrepreneuse a créé un domaine agricole de 15 hectares, "https://www.potagers-compagnie.fr/ Potagers & Cie, nouveau lieu de référence de l’agro-écologie et de la permaculture en climat méditerranéen. Ce qui me porte, ce sont les créations comme les assemblages, d’imaginer un nouveau projet autour d’un terroir ou d’une personnalité. J’adore la nouveauté et le développement du maraîchage me donne des ailes, termine-t-elle.

Hervé Morin, Le Domaine de la Rodaie

Toujours plus de projets

Installé depuis 1998 sur le domaine de 21 hectares à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Hervé Morin possède une curiosité insatiable et un esprit de challenger. En parallèle de l’exploitation viticole, il s’est formé au métier de brasseur et a monté sa propre structure ; la Brasserie de la Rodaie. Ses six recettes de bières ont fleuri dans les entrailles de la propriété. Après avoir été luthier pendant 10 ans, je me suis lancé dans la bière. J’ai du faire le choix d’arrêter la lutherie pour me consacrer vraiment à la brasserie, sans négliger le vin qui reste ma priorité, explique-t-il.
Une journée classique pour Hervé ? Après un réveil matinal, il prépare ses commandes et grimpe ensuite sur son tracteur pour travailler ses sols. À midi, c’est parti pour la préparation de la mise en bouteille de ses bières. Je croise mes activités selon les conditions, les besoins. Je ne délaisse rien, je me donne à 100%. Je suis un hyperactif. D’ailleurs, quand je faisais de la lutherie, je n’arrivais pas forcément à valider le fait que ce soit une activité professionnelle. Pendant 10 ans, j’ai donc travaillé sur mes instruments, de 21h à minuit, chaque soir., poursuit-il.
D’une énergie intellectuelle débordante, Hervé possède, par ailleurs, un brevet de pilote, fait du bateau et aimerait partir vivre à l’étranger. Ma vie professionnelle demande un sens de l’orchestration. Pendant les vendanges, je dois fermer la brasserie en ayant fait suffisamment de stocks. J’anticipe tout, bien qu’il soit parfois difficile de toujours mesurer l’ampleur du développement.

Bérengère Quellien, Château Lusseau
Bérengère Quellien, Château Lusseau

Bérengère Quellien, Château Lusseau

Château Lusseau – 6 Rte de Lusseau 33640 Ayguemorte-les-Graves Tél. 05 56 32 43 21

Sur tous les fronts

On a plusieurs vies en tant que femme, que maman. Surtout sur une petite exploitation comme la mienne, qui implique un travail diversifié. Je touche à tout, je suis obligée de savoir tout faire : viticulture, commercialisation, vente, gestion, tout en jonglant en permanence avec les enfants, quand on a un mari qui ne vit pas toute la semaine ici. Heureusement, mes parents sont un précieux soutien et j’ai une équipe pour m’aider, commence Bérengère Quellien, à la tête du Château Lusseau, un domaine de 7 hectares en Graves qu’elle a amené vers le bio entre 2005 et 2010.
D’une énergie débordante, la vigneronne passionnée s’est lancée dans un tourbillon de projets avec la création de cuvées qui cassent les codes – comme sa Bérue Déglinguée – d’un parc accrobranche, en association avec ses deux frères, et d’un gîte Il y a toujours quelque chose sur le feu, je ne sais pas dire non. Cela me stimule et me panique. Ce quotidien à 100 à l’heure est mon carburant, termine celle qui est aussi, au conseil municipal !

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Thomas Emery développe le Château Rousset avec un nouveau chai, un projet oenotouristique et une énergie débordante - Château Rousset
Thomas Emery développe le Château Rousset avec un nouveau chai, un projet oenotouristique et une énergie débordante - Château Rousset

Thomas Emery, Château Rousset

L’envie de tout faire

Après avoir fait ses armes et voyagé en Argentine quelques années, Thomas a repris le domaine familial situé dans les Alpes de Haute-Provence en 2003. Il gère aujourd’hui une exploitation bio qui comprend 40 hectares de vignes et 8 hectares d’oliviers. Passé de 25 à 40 hectares ces dernières années, Thomas s’est lancé dans la création d’un bâtiment doté d’un nouveau chai et qui permettra aussi d’accueillir du public. Un chantier titanesque qui servira aussi à organiser des dégustations, des visites de caves, des séminaires et ouvrira un restaurant, quand les conditions le permettront. Pour une visite libre du vignoble, le vigneron va se doter de vélos électriques et installera des bornes explicatives dans la vigne.
Le métier de vigneron demande de bondir d’un sujet à l’autre, d’être dans l’action. J’ai grandi sur cette propriété avec l’envie de la développer. C’est hyper stimulant, ça donne de l’énergie !, explique-t-il.

Père de famille nombreuse, avec 6 enfants, Thomas habite sur le domaine qu’il gère comme une petite communauté avec ses 12 salariés. Lorsqu’il n’est pas dans ses vignes à 3h du matin, en période de vendange, le vigneron partage sa journée entre travail à la vigne, réunions d’équipe, administratif, supervision du chantier, dégustations et assemblages. Difficile de décrocher quand on est passionné !

À la tête du Château des Bachelards, dans le Beaujolais, Alexandra a su garder le cap pour créer un vignoble réputé - Crédit : Château des Bachelards
À la tête du Château des Bachelards, dans le Beaujolais, Alexandra a su garder le cap pour créer un vignoble réputé - Crédit : Château des Bachelards

Alexandra de Vazeilles, Château des Bachelards

Une incroyable volonté

J’ai pour habitude de dire que diriger un vignoble c’est « ambiance prépa des grandes écoles tous les jours de l’année. Je n’arrête jamais, et je suis tout à la fois, ouvrier agricole, chef de culture, maître de chais, directeur financier, directeur export, cuisinière, etc.
En fait, un domaine viticole est une mini multinationale : nous cultivons des raisins qui deviendront un produit fini un jour que nous vendrons aux quatre coins du monde avec tous les particularités douanières et autres que cela comporte. De plus, pour exercer ce métier avec un minimum de sérénité, il faut quelques accointances avec le divin pour éviter, le gel, la grêle qui détruisent votre récolte annuelle en moins de deux minutes », présente-t-elle.
Lorsqu’elle a acquis le Château des Bachelards à Fleurie en 2014, le vignoble était une belle endormie, presque à l’abandon. Alexandra a retroussé ses manches pour passer le tout en bio et biodynamie, restructurer, recruter et former une équipe de vignerons, créer une marque – Château des Bachelards à Fleurie – définir un style de vins, comprendre ses terroirs et acquérir de nouvelles parcelles. Après 7 ans, à 18 heures de travail par jours, week-ends compris, deux millésimes grêlés et du gel, Alexandra est arrivée là où elle souhaitait positionner son entreprise. Car finalement, ce n’est ni une aventure, ni un rêve, c’est la réalité de tout chef d’entreprise de PME qui doit être à la fois au four et au moulin et dont les concurrents sont des entreprises de plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaire. Les vins du Château des Bachelards sont désormais au plus haut niveau de leur région et on la surnomme : « Fleurie Queen.

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