Vins corses : focus sur l'AOP Patrimonio

Vins corses : focus sur l'AOP Patrimonio

Photo de couverture : le domaine Leccia sur les hauteurs du village de Poggio d’Oletta - Crédit : Magali Cancel

Première appellation corse reconnue en 1968, l’AOP Patrimonio jouit d’une popularité grandissante sur et en dehors de l’île de Beauté. Microclimat, influence des vents marins, sol riche, cépages endémiques, engagement vertueux, les atouts sont nombreux autour d’un collectif ambitieux qui a banni les désherbants chimiques de son cahier des charges.

Pendant 48 heures, Toutlevin a sillonné (et dégusté !) ce petit coin de paradis. On vous emmène ?

Plage de la Roya dans le Golfe de Saint-Florent. Les pelotes d’herbiers de Posidonies, algue endémique utile contre l’érosion du littoral, jonchent le sable blanc. Ce 17 janvier, contrairement au soleil, le vent a pris la tangente. Il fait doux et les effluves salines des oursins fraichement pêchés chatouillent les narines.

Mathieu Marfisi le président du syndicat des vignerons de l’AOP Patrimonio - Crédit : Yoann Palej
Mathieu Marfisi le président du syndicat des vignerons de l’AOP Patrimonio - Crédit : Yoann Palej

Vous avez de la chance, ça souffle plutôt fort ici d’habitude, lance Mathieu Marfisi, le président du syndicat des vignerons de Patrimonio. Arena, Orenga de Gaffory, Novella, Montemagni, Santamaria, Giacometti, Clos Teddi, Clos Santini, etc… les cuvées de la plupart des 39 vignerons de l’appellation sont là.

Le ton est donné. Les échanges vont bon train. On apprend que le vignoble bénéficie d’un microclimat dû à l’influence marine, très propice à une bonne maturité et à l’éloignement des maladies. La vallée du Nebbiu (de Nebbia, brouillard en corse), où trônent les villages perchés de Poggio d’Oletta, Olmeta di Tuda et Murato, est une microrégion très fraîche. On est béni des dieux d’avoir un tel terroir, assure Mathieu Piazza-Alessandrini, 42 ans, vigneron au Clos San Quilico. Nous sommes au cœur d’un site naturel exceptionnel à la conjonction d’un millefeuille géologique riche.

80% des vignerons sont convertis ou en cours de conversion bio

Les sols sont argilo-calcaires, schisteux ou granitiques. Une belle diversité qui offre une palette de vins remarquable et un terrain de jeu que chacun s’approprie à sa manière. Mais on y discerne quand même un fil conducteur. Parfois, certains lieux du vin s’imposent à vous, vous fascinent, confie Christophe Ferrandis du Clos Signadore. Peu importe où vous vous situez dans la hiérarchie, il y a une signature.

Patrimonio, c’est exactement ça, où que vous soyez, vous l’identifiez. Si 80% des vignerons sont engagés ou convertis en bio (contre 30% sur l’ensemble du vignoble corse), il s’agit surtout de la première appellation au monde à bannir les désherbants chimiques de son cahier des charges. On a pris la décision, unanime, il y a deux ans en assemblée générale, prolonge Mathieu Marfisi également vigneron du Clos Marfisi (14 ha qu’il gère avec sa sœur, Julie). Le dossier a pris du retard à cause de la crise mais il va être officialisé dans le courant du mois.

Le Niellucciu, c’est un vrai challenge à relever… Il faut le comprendre !

En tout, la quarantaine de vignerons travaillent sur 438 hectares au cœur principalement de petites exploitations. Ici, les parcelles sont les unes sur les autres et c’est ce qui fait son charme. Cela explique aussi pourquoi nous devons tirer dans le même sens, détaille Lionel Wojcik du domaine Paradella. Si on visite le Nebbiu, on sait obligatoirement que c’est une terre de vins, un lieu emblématique de la vigne insulaire.

Les vignes du Clos Teddi et une barrique du Domaine Paradella - Crédit : Yoann Palej
Les vignes du Clos Teddi et une barrique du Domaine Paradella - Crédit : Yoann Palej

Patrimonio fait également partie des deux appellations qui ont fait l’objet du décret d’AOC spécifique Cru de Corse. Un gage de qualité autour de deux cépages emblématiques : Le Niellucciu (rouge) et le Vermentinu (blanc). Le Niellucciu, c’est un vrai challenge à relever car il est costaud, tannique, fougueux mais il est aussi farouche, fragile et capricieux, explique Lisandru Leccia du domaine Leccia. Il faut aller le chercher, essayer de le comprendre ! C’est un exercice de funambule, renchérit Christophe Ferrandis. Un cépage tardif que l’on dit rustique mais qui fait parler le terroir
Il n’est pas unique à Patrimonio mais il donne sa plus belle expression ici, assène Marie-Françoise Devichi du domaine Mlle D – Devichi. En plus, il ne craint pas la sécheresse et avec le réchauffement climatique, c’est une vraie plus-value ! »

Coup de cœur du domaine Leccia - Crédit : Yoann Palej
Coup de cœur du domaine Leccia - Crédit : Yoann Palej

Ce qui compte, c’est d’avoir un socle commun, une identité !

Le cahier des charges de l’AOC impose un minimum de 90% de ce dernier pour les rouges. Face à l’image de vin de chasseur qui lui colle à la peau (les anciens le surnomment cépage aux petits fruits croquants et à la fourrure de lièvre), certains choisissent de faire quelques cuvées en Vin de France, d’autres prônent un rééquilibrage en se réappropriant plusieurs cépages autochtones (en 1900, 41 cépages différents étaient plantés à Patrimonio !).

Il y a aussi ceux qui sont partisans d’une appellation à deux étages comme en Toscane avec un cahier des charges plus permissif au niveau de l’encépagement. Oui, tout n’est pas parfait mais ce qui compte c’est d’avoir un socle commun, une identité, un lien à l’origine.

Et l’AOC est un sacré argument commercial !, poursuit Christophe Ferrandis. A l’époque où les vins dits glouglou sont plébiscités, ce côté animal, assez tannique, interroge de l’intérieur. Lionel Wojcik, 34 ans, reconnaît la complexité du Nielliuccu - Même les Italiens le disent ! (Sangiovese en Italie) - mais loue ses qualités intrinsèques : Si tu respectes tous les critères, tu te régales. Les grands Brunello di Montalcino sont fabuleux. Pourquoi on n’y arriverait pas en Corse ? A nous de réaffirmer ce qu’est Patrimonio, conclut Lisandru Leccia.

Une appellation dynamique, un vignoble labellisé Grand Site de France

Du côté du Vermentinu (qui est le seul cépage autorisé pour les blancs), il y a unanimité. C’est un cépage complet qui s’exprime parfaitement et différemment selon les maturités mais on retrouve toujours une belle expression de notre terroir, évalue Lisandru Leccia. Mathieu Piazza-Alessandrini met en avant son équilibre, sa minéralité et sa gourmandise. Une impression confirmée pendant les différentes dégustations où la finesse et l’élégance ont conquis les journalistes présents. Au détour d’une conversation, Mathieu Piazza-Alessandrini loue le vent de fraîcheur qui balaie l’appellation via de nouveaux arrivants.

Les vins de Corse attirent. C’est une appellation humainement excitante !. Marie-Françoise Devichi complète : Beaucoup de jeunes s’installent, et pas seulement des reprises, il y a aussi des créations. On sent une vraie émulation, un dynamisme qui débouche sur des projets de grande valeur. Comme celui de la microrégion de Conca d’Oro (la conque d’or, nom de la vallée d’Oletta) et de Patrimonio qui a obtenu le prestigieux label Grand Site de France.

Coups de cœur de dégustation (note sur 20) :

Rouges :
• Domaine Leccia 2019 et Pettale 2016 (18)
• Domaine Yves Leccia E Croce 2019 (17,5)
• Clos Signadore 2015 (17)
• Clos de Bernardi 2011 (16,5)
• Domaine Paradella 2016 (16) / Domaine Pinelli Campo Vecchio 2019 (16)

Blancs :
• Clos San Quilico Minera 2019 (18)
• Clos Marfisi Nos petits grains 2017 (17) / Domaine Santamaria Cyclone 2020 (17)
• Domaine Novella Biancu Lunghelllu 2021 (16)

Lisez aussi notre focus sur l’AOP Corse !

Infos complémentaires ICI

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