Vis ma vie de dégustateur au Concours Mondial de Bruxelles #2

Vis ma vie de dégustateur au Concours Mondial de Bruxelles #2

2ème salve autour de mon expérience au Concours de Mondial de Bruxelles, en Croatie. Après un tour de chauffe (lire le volet 1 : Vis ma vie de dégustateur au Concours Mondial de Bruxelles #1), la suite de l’aventure me mène sur le formidable terroir de Motovun, un éperon rocheux aux 1000 saveurs, avant de faire la rencontre d’une famille pas comme les autres, les Rossi, vignerons et distillateurs. La fin du séjour est un rêve éveillé avec l’annonce de la destination du CMB en 2024. C’est un long roman, c’est une belle histoire…

… C’était une romance d’aujourd’hui, en Istrie. Michel Fugain, sors de ce corps épisode 2 ! Trêve de plaisanterie, revenons à nos moutons croates ou à nos brebis d’Istrie, c’est selon. Après une première matinée à déguster une quarantaine de vins, toute la joyeuse troupe des 320 dégustateurs est dispersée sur différentes activités et visites. C’est aussi ça la magie du Concours Mondial de Bruxelles, on n’est pas là pour se dorer la pilule au soleil (qui de toute façon n’a fait qu’une courte apparition en 4 jours !), l’immersion est totale.
Chaque groupe est réparti dans un bus, les nationalités sont mélangées histoire de créer de la synergie. L’alchimie opère rapidement. Dans le bus numéro 6, je me retrouve à côté d’une vieille connaissance. Thomas Brandl, brillant journaliste et dégustateur allemand, était le président du jury de la table dont j’étais le sommelier attitré lors de la session rosés au siège des Pays d’Oc à Montpellier. Il me reconnaît rapidement, me sourit et me partage son expérience : A mon avis, c'était une idée brillante d'en faire un événement itinérant en 2004, me glisse celui qui a débuté comme juge au CMB en 2009. Cela donne ainsi aux différentes régions viticoles l'occasion de se présenter aux journalistes (plus de 50 % sur la totalité des dégustateurs), aux sommeliers, aux œnologues, aux acheteurs et à tous les autres prescripteurs du monde entier. C’est une vraie aubaine dans un univers toujours plus concurrentiel.

Motovun, village haut-perché, joyau de la viticulture istrienne

Après une bonne heure et demie de bus à échanger avec des acheteurs belges et une journaliste anglaise, le paysage délivre enfin ses secrets. Et quels secrets ! Devant nos yeux ébahis, il flotte comme un air de Toscane, Motovun, village haut-perché a fière allure avec ses remparts médiévaux, ses enceintes vénitiennes, ses demeures patriciennes, gothiques et baroques. Lors de la conférence d’accueil, Caroline Gilby, la Master of Wine anglaise, avait parlé de ce petit coin de paradis : C’est l’un des secteurs les plus frais d’Istrie avec un sol blanc, un microclimat et une configuration de terrain très vallonné qui confèrent aux vins une minéralité et une fraîcheur assez unique.

Depuis les hauteurs du village perché de Motovun, on devine une nature luxuriante - Crédit photo : Yoann Palej
Depuis les hauteurs du village perché de Motovun, on devine une nature luxuriante - Crédit photo : Yoann Palej

Après s’être engouffré dans les minuscules venelles médiévales pavées et pentues, le groupe d’une quarantaine de dégustateurs va justement découvrir les secrets des vins locaux. Juchée sur les hauteurs, une salle d’exposition fait office de mini-salon des vins avec les 5 producteurs locaux réunis : Benvenuti, Valenta, Tomaz, Bertosa et Fakin ont sorti leurs plus belles cuvées à base de Malvazija istarska, de Teran et de Muškat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne s’ennuie pas en les dégustant. Ce sont d’ailleurs 2 vins locaux (Fakin et Benvenuti) qui ont remporté le titre de meilleur Teran d’Istrie en 2023. Personnellement, je m’attarde sur le Muškat San Salvatore 2017 de Benvenuti. C'est le fleuron de notre vignoble et l'un de nos vins les plus récompensés, explique Nikola, l’un des deux frères à la tête du vignoble. L’ensemble est doux, intense, sans lourdeur et d’une longueur exceptionnelle sur l’abricot sec, le miel, les fleurs séchés et la confiture d’orange. Un vrai délice.

J’adore l’ambiance, cette impression de faire partie d’un groupe…

Plus loin, le vignoble Tomaz propose un pinot gris très élégant sur les notes de pêche fraiche, d’écorce d’orange et de romarin. On a même plusieurs effervescents, explique le vigneron. Ici, on a un vraiment un terroir qui nous permet de produire des vins très frais, tendus, ciselés.
Les échanges sont chaleureux mais il faut bientôt prendre la poudre d’escampette. On a juste le temps de se faufiler sur le chemin de ronde et d’admirer un double arc-en-ciel à 300 mètres d’altitude. La vue est magique sur la rivière Mirna et une nature riche de cultures en tous genres comme l’olive et la truffe blanche, véritable patrimoine locale. Le soir venu, nous profitons justement d’un bon plat de pâtes aux truffes dans une pizzeria en plein cœur de Porec.

2 des 5 domaines que nous avons eu l’occasion de déguster à Motovun - Crédit photo : Yoann Palej
2 des 5 domaines que nous avons eu l’occasion de déguster à Motovun - Crédit photo : Yoann Palej

Le lendemain, retour à la table du jury numéro 10. Au menu, 45 vins dont 34 rouges, le palais va devoir s’accrocher. Entre deux séries, j’en profite pour prendre la température auprès de l’expérimenté (qui ne veut pas dire vieux je précise !) Eric Boschman, qui a participé à la première édition. Je me souviens à l’époque, j’étais tout jeune, j’avais été élu meilleur sommelier de Belgique en 1989 et j’y allais sans me poser de questions mais ça n’avait rien à voir avec maintenant, c’était encore balbutiant. Aujourd’hui, c’est juste formidable, j’adore l’ambiance, cette notion humaine, l’impression de faire partie d’un groupe et l’organisation a vraiment fait un bond en avant, c’est assez incroyable !

Les Rossi, une fratrie pas comme les autres

La deuxième matinée de dégustation touche à sa fin et c’est tant mieux, on n’a pas forcément été gâté par les séries avec deux enfilades de rouges espagnols (Castilla-la-Mancha et Castilla-y-Leon Ribeira del Duero) qui nous ont quelque peu endolori le palais. Mais, on se retrouve autour d’une bière blanche de Bruxelles qui réconcilie tout son monde (le Belge a du flair !).
Après avoir picoré dans le buffet de l’hôtel, il est temps de repartir en vadrouille dans les vignobles istriens. Cette fois-ci, le rendez-vous est donné chez les Rossi, un domaine historique fondé en 1885.

Dans la famille Rossi, la vigne est une institution depuis 1885 ! - Crédit photo : Yoann Palej
Dans la famille Rossi, la vigne est une institution depuis 1885 ! - Crédit photo : Yoann Palej

Luka, Marko et Filip, la fratrie 5ème génération, a l’accueil plus que sympathique : on échange sur l’histoire du domaine et on déguste évidemment une ou deux Malvasija mais également quelques bijoux du distillat comme ce Shovran (qui veut dire souverain, roi), un savoureux brandy XO à base de Teran, produit dans la tradition des cognacs français, élevé patiemment durant 10 dans des fûts de chêne du Limousin.
Samedi soir, on termine au château Morosini-Grimani où nous attend un spectacle médiéval. Dégustations de produits du terroir, combats en armures, jeux interactifs à l’intérieur de l’enceinte, l’assemblée retombe un peu en enfance le temps de quelques heures. Mais personne ne traîne tard (sauf quelques irréductibles dont je tairais la nationalité par peur des représailles !).

Le CMB aura lieu au Mexique en 2024

Dimanche, 8h30 tapantes, les 320 dégustateurs débutent la dernière manche de la trilogie. A ma table, mon voisin et désormais ami sommelier portugais, Joao Chambel, a comme une intuition : On va se régaler, me glisse-t-il. Je sens qu’on va avoir des vins de chez moi ! Banco, après une belle série de blancs siciliens, on part sur l’Alentejo où quelques pépites retiennent notre attention. Mais c’est finalement sur les séries suivantes, des vins grecs et croates, que l’unanimité va se faire.

Le poste de dégustateur comme si vous y étiez ! - Crédit photo : CMB
Le poste de dégustateur comme si vous y étiez ! - Crédit photo : CMB

Après le dernier vin, c’est l’heure de faire les comptes et de tirer un bilan : moins de 30% des vins présentés ont été récompensés et parmi les lauréats, on trouve des vins des cinq continents avec notamment une première médaille dans l’histoire de l’Inde, ainsi qu’un beau tir groupé de la région bordelaise (256 vins médaillés).
La révélation internationale en rouge est un vin bulgare et celle en blanc est un vin mexicain. Dans la foulée, on apprend que c’est la ville de Guanajuato, au Mexique, qui a été choisie pour accueillir le 31ème Concours Mondial de Bruxelles les 7, 8 et 9 juin 2024. Des Viva Mexico résonnent dans le parc des sports de Porec. Chacun se demande alors s’il aura la chance d’y être. Moi le premier. C’est tout de même la première fois que le CMB s’exportera sur le continent américain. Encore un cadeau de la providence signé Michel Fugain ?

Crédit photo de couverture (les vignes d'Istrie) : CMB

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