Château Phélan-Ségur : le prince de Saint-Estèphe

Merveilleusement situé au bord de la Garonne entre les prestigieux châteaux Montrose et Calon-Ségur, tous deux crus classés en 1855 de Saint-Estèphe, le château Phélan-Ségur se hisse peu à peu à leur niveau. Récit d’une belle aventure.

Un peu d’histoire

Le domaine a été créé par un jeune négociant irlandais, Bernard O’Phelan, qui s’est marié avec une des filles d’un célèbre négociant bordelais, Daniel Guestier. En 1805, il achète le Clos Garamey, puis en 1810 une bande de terre vendue par les héritiers de Joseph Marie de Ségur. L’ensemble connu sous le nom de Phélan allait donner le château Phélan-Ségur, après procès de Calon-Ségur qui revendiquait le même patronage historique (mais il ne s’agissait pas des mêmes Ségur).

Le château Phélan-Ségur a été acheté en 1985 à la famille Delon de Ségur-Cabanac par Xavier Gardinier qui venait de vendre en 1979 le champagne Pommery et qui lui a donné son allure d’aujourd’hui, après avoir vendu une vingtaine d’hectares au château Montrose. Son fils Thierry a vraiment mis le château sur les rails et s’est beaucoup démené pour sauver la mention  cru bourgeois  malmenée par la réglementation européenne. Il a aussi engagé, en 2006, l’œnologue Michel Rolland pour régulariser la production, puis en 2010 Véronique Dausse à la direction générale.

Phélan aujourd’hui

Une nouvelle page s’ouvre en 2018 avec l’acquisition de la propriété par Philippe Van de Vyvere, un chef d’entreprise belge issu de la logistique portuaire. Situé entre Montrose et Calon-Ségur, les 70 hectares de vignes constituent 4 îlots, essentiellement des graves argileuses qui lui donnent sa puissance, mais aussi une partie près de Montrose sur des graves plus sableuses, qui lui apportent son élégance.
Étonnamment, Phélan n’a pas été classé en 1855 alors qu’il se vendait à bon prix selon les chroniques de vente en 1838. Mais ce non-classement s’explique par la mort de Bernard O’Phelan en 1841, juste avant le classement, et le fait que Saint-Estèphe, loin de Bordeaux à une époque où les déplacements n’étaient pas faciles, est notoirement sous classé.

La qualité des vins

Si le cru avait vu quelques réussites dans le passé comme 1955, 1961 et 1964, ce n’est qu’après le travail de fond des Gardinier qu’il a émergé depuis les années 2000 avec un vignoble largement reconstruit, la recherche d’une bonne maturité des raisins et des vins qui ont de la consistance.

Après cette phase indispensable de musculation, le vin s’affine depuis les années 2010 et il gagne en précision et même en élégance. Plus récemment, il se complexifie en sortant du duo cabernet-sauvignon/merlot avec du petit-verdot et du cabernet franc. Ainsi doté, il se rapproche de plus en plus du trio Cos d’Estournel, Montrose et Calon-Ségur. Son avenir est radieux.

La dégustation

Cette dégustation s’est déroulée au château Phélan-Ségurn, le 24 juillet 2023.

2022 : noté 96-97

La robe est sombre avec des arômes très intenses de cassis joliment épicés avec des notes de violette. Le vin est d’une belle densité et très équilibré, avec une belle persistance et une très belle finale. Les tannins sont très fins. Il est loin du puissant 2018, il a gagné en élégance et en précision avec la fraîcheur si caractéristique les 2022.
56 % de merlot, 40 % de cabernet-sauvignon, 2 % de petit-verdot et 2 % de cabernet-franc.

2021 : noté 94
La climatologie de 2021 ne permet pas de rivaliser en matière de densité et de puissance avec un 2020 ou un 2018, mais comme souvent dans les millésimes frais, le vin pourra se déguster avec beaucoup de bonheur relativement vite. La robe est grenat et le vin est très aromatique, souple et charmant. L’ensemble est équilibré et harmonieux.
75 % de cabernet-sauvignon, 21 % de merlot et 4 % de petit-verdot.

2020 : noté 97

La robe est très sombre avec des arômes très intenses de réglisse. En bouche, le vin possède beaucoup de chair et de matière, l’ensemble est du même calibre que 2018, un rien plus précis et un peu plus complexe peut-être, mais il faudra du temps pour cerner toutes leurs qualités qui sont très grandes.
54 % de cabernet-sauvignon, 42 % de cabernet-sauvignon et 4 % de petit-verdot.

2019 : noté 96

La robe est très sombre à reflets violets. Les arômes sont discrets à l’ouverture avec des notes de mûre et une petite pointe animale due la réduction. En bouche, le vin possède de la chair et du volume, il ne possède certes pas la densité d’un 2020, mais il est davantage flatteur et déjà très accessible. Il séduira ceux qui aiment la puissance d’un vin jeune, sachant qu’il évoluera avec beaucoup de grâce dans le temps.
56 % de cabernet-sauvignon, 42 % de merlot et 2 % de cabernet-franc.

2018 : noté 97

La robe est très dense et les arômes qui sont dans une phase de fermeture, se révèlent peu à peu à l’aération avec des notes de mûres et de framboise. En bouche, la densité est impressionnante avec de la fraîcheur, une belle élégance et des tannins certes abondants, mais joliment arrondis. Ce futur grand classique mérite au moins cinq ans de garde.
57 % de cabernet-sauvignon et 43 % de merlot.

2017 : noté 94

La robe de belle tenue affiche une petite pointe d’évolution. Les arômes associent les classiques notes de cassis et de mûres à des notes légèrement mentholées. Le vin qui n’est pas loin de son apogée et affiche sa texture veloutée et souple, le merlot arrondit les angles d’un cabernet un peu ferme qui lui donne de la tenue. Le vin est prêt à boire, mais il n’y a aucune urgence et il restera sur ce plateau une bonne dizaine d’années.
65 % de cabernet-sauvignon, 34 % de merlot et 1 % de cabernet franc.

2016 : noté 96

La robe brillante est très sombre présente des arômes très ouverts de fruits noirs qui se complexifient à l’aération avec de belles épices. La bouche est dense et souple avec le mélange inimitable de suavité et de fraîcheur propre à Phélan. Très belle longueur. La finale est éblouissante entre la suavité et le charme sur fond de fraîcheur. Une merveille qui continuera de progresser dans le temps.
55 % de cabernet-sauvignon et 45 % de merlot.

2015 : noté 94

La robe est sombre avec une petite pointe d’évolution. Jolis arômes de mûre et de cerise. Le vin est ouvert et souple, il se livre complètement avec un léger petit creux en milieu de bouche comme beaucoup de 2015 du nord-médoc. Sa finale exprime les fruits rouges avec beaucoup de charme. À déguster sans se presser.
53 % de cabernet-sauvignon et 47 % de merlot.

2014 : noté : 96

Le millésime 2014 est la grande réussite de Saint-Estèphe et Phélan-Ségur n’a pas laissé passer cette belle occasion.
La robe est très sombre avec des arômes de cassis très cabernet-sauvignon, de la réglisse et de la mûre. Le vin est dense avec une belle concentration, les tannins sont encore présents, mais veloutés, la texture impressionnante, et la finale superbe. Un vin immense qui commence sa phase d’apogée et qui y restera longtemps.
64 % de cabernet-sauvignon et 36 % de merlot.

Crédit photos : Château Phélan-Ségur