L'empreinte carbone du vin
Alors que le gouvernement travaille à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, Toutlevin s’est intéressé à l'empreinte carbone de la filière vin. Nous remercions chaleureusement les chercheurs de l’IFV qui décortiquent ce sujet depuis plusieurs années, les équipes de Terra Vitis qui œuvrent à faire connaître ces rapports et Julien Brustis de Tour des Termes pour nous avoir partagé ses données sur le sujet.
Qu’est-ce que l’empreinte carbone ?
Mesurer les impacts de l’activité humaine sur l’environnement est devenu nécessaire pour mieux les comprendre et identifier comment les diminuer. De nombreuses mesures coexistent, certaines s’intéressant à la biodiversité, d’autres à la pollution de l’eau, d’autres encore cherchent à restaurer les sols. Certains cahiers des charges, comme celui de l’agriculture biologique, se concentrent sur un type précis de produits, phytosanitaires et additifs œnologiques en tête.
L’empreinte carbone mesure la production de gaz à effets de serre lors de l’activité vigneronne. La production de vin génère du dioxyde de carbone bien sûr, mais aussi du méthane et d’autres gaz qui sont à la fin exprimés en “équivalent CO2” (eq CO2) pour simplifier la compréhension globale. L’empreinte carbone fait partie des indicateurs qu’il est nécessaire de suivre pour agir sur le dérèglement climatique.
Comment mesurer l’empreinte carbone du vin ?
Calculer son empreinte carbone est une activité complexe. Elle nécessite de prendre en compte énormément de paramètres, certains étant mesurables, d’autres calculables, tandis que les derniers ne peuvent qu’être estimés. Dès lors, des cabinets se sont spécialisés dans ce type de service. Ils auditent les différents pôles de la production et y associent une production de gaz à effet de serre, en kilo ou tonne eq CO2. Voici par exemple la répartition de l’empreinte carbone de Tour des Termes, Cru Bourgois localisé à Saint Estèphe, d’après l’analyse menée par la société Climate Partner :
Pour le moment, peu de vignerons se sont emparés du sujet pour réaliser ce type de bilan. Ceux qui ont compris l’enjeu d’une telle démarche pour la durabilité de leur activité en ont souvent fait un axe majeur de réflexion et de décision. Dans le cas de Tour des Termes, l’objectif est l’atteinte de la neutralité carbone. Cela passe par une première étape de diminution de l’empreinte carbone pour la limiter au strict nécessaire pour l’activité de production, puis une compensation de ce minimum.
Les activités du vigneron
Il existe autant de bilans carbone qu’il existe de pratiques vigneronnes… Dès lors, difficile de faire des généralités car, d’un domaine à l’autre, les conclusions des cabinets diffèrent. L’audit mené par les champagnes Telmont avait par exemple mis le doigt sur le poids des coffrets cadeaux dans leur bilan carbone : 8%. Aussitôt constaté, aussitôt supprimé, Telmont s’offre désormais sans coffret et s’en porte très bien.
Les recherches réalisées par l’IFV font tout de même ressortir quelques points communs, à commencer par la répartition des activités du vigneron. On retrouve :
- la viticulture : l’intégralité des opérations qui s’effectuent sur la vigne (traitements phytosanitaires, passages de tracteur, vendanges…)
- l'œnologie : les opérations du chai (utilisation d’additifs, refroidissage des cuves, vieillissement en barrique…)
- le conditionnement : les opérations liées à la mise en bouteille (fabrication des bouteilles, recyclage du verre…)
- le transport : les opérations logistiques liées à la distribution du vin (expédition, export…)
L’impact carbone des activités du vigneron
Les recherches de l’IFV ont mesuré et calculé l’empreinte carbone de chaque pôle. L’imaginaire collectif donne souvent la partie “transport” comme étant la plus polluante… La vérité est toute autre puisque près de 50% des gaz à effets de serre sont dus à l’étape du conditionnement :
Ce premier pôle apparaissait également pour Tour des Termes sous la dénomination “Matériaux d’emballages” (35% de l’empreinte carbone de la propriété).
La bouteille, poids lourd de l’empreinte carbone du vin
La raison pour laquelle la bouteille pèse si lourd dans l’empreinte carbone du vigneron tient à son mode de fabrication. Pour fabriquer une bouteille en verre, il faut faire fondre du sable dans d’énormes fours. Cette étape est très gourmande en énergie et même si elle n’est pas réalisée par le vigneron lui-même, elle est provoquée par lui, pour répondre à ses besoins.
Le recyclage du verre est également un point sensible car pour être réutilisées, les bouteilles sont fondues. Donc même si la filière est vertueuse d’un point de vue recyclage, l’énergie exigée à chaque refonte est énorme et plombe le bilan carbone global.
Dès lors, certaines pratiques reprennent vie, comme la consigne, ce modèle dans lequel les contenants sont récupérés et nettoyés pour être réutilisés. On parle plutôt de “réemploi” que de “recyclage”.
Pistes d’amélioration de l’empreinte carbone
Vous l’avez compris, le travail sur la bouteille est essentiel pour un vigneron qui souhaite améliorer son impact carbone. L’adoption de bouteilles plus légères, avec moins de matière, est une piste non négligeable. A date, la bouteille la plus légère du marché est la bouteille bordelaise classique. Avec ses 300 grammes, elle est bien loin des 900 grammes de la bouteille de champagne, nécessaires pour résister à la pression de la bulle. La bouteille bourguignonne commence plutôt à 400 grammes.
De manière générale, l’amélioration de l’empreinte carbone passe beaucoup par l’élimination de tout ce qui est superflu : optimisation de la consommation électrique, diminution des intrants, arrêt des caisses bois…
La liste des actions à mener est longue pour atteindre l’équilibre voire la neutralité carbone. Certaines auront un impact anecdotique, d’autres changeront durablement la balance. Ce qui est sûr, c’est qu’une bonne partie des actions à mener est à porter par le vigneron… Mais le consommateur final a aussi son rôle à jouer ! En effet, la forme et le poids des bouteilles utilisées par les vignerons jouent un rôle sur la qualité perçue du vin qu’elles contiennent. Difficile de s’en affranchir, pourtant il semblerait que l’avenir de la filière repose sur une utilisation de plus en plus généralisée des bouteilles les plus légères.