Les classements viticoles Français, valeurs sûres ou coup marketing ?

Les classements viticoles Français, valeurs sûres ou coup marketing ?

Les classements viticoles sont légions en France. Les notions de Cru Classé, Grand Cru ou Premier Cru sont rassurantes et sous-entendent un certain niveau qualitatif. Mais est-ce réellement le cas ? Car chaque région a son propre fonctionnement et tous ne se valent pas. Toutlevin fait le point avec vous sur les dessous de chaque classement, région par région.

Les classements des vins de Bordeaux

Bordeaux est le vignoble le plus célèbre pour ses classements. Il faut dire : ils sont nombreux !
Commençons par le plus connu : le Classement de 1855. Ou plutôt LES classements de 1855, car il en existe deux (lire notre article : Voyage œnotouristique au cœur des Grands Crus Classés en 1855). D’un côté, le classement des vins du Sauternais, de l’autre, le classement des vins du Médoc. L’un comme l’autre se base sur le prix des transactions des vins de l’époque relevés par les courtiers bordelais. Du côté du Médoc se distinguent 5 Premiers Crus, 14 Deuxièmes Crus, 14 Troisièmes Crus, 10 Quatrièmes Crus et 18 Cinquièmes Crus, tous rouges. Du côté de Sauternes et Barsac, on trouve 1 Premier Cru Supérieur (Yquem), 11 Premiers Crus et 15 Deuxièmes Crus. Ces classements sont réputés immuables et ont été très peu modifiés depuis leur création. La première modification intervient dès 1855, lorsque le Château Cantemerle rejoint le classement (la production était vendue en direct jusqu’en 1954, les courtiers ne disposaient pas d’historique et ne l’avaient donc pas pris en compte). La seconde a lieu en 1973 lorsque le Château Mouton Rothschild passe Premier Cru Classé..

La confusion de ces classements est qu’ils ne couvrent qu’une partie du vignoble bordelais. En effet, lorsque Napoléon suggère aux chambres d’agriculture d’émettre des classements viticoles dans le cadre de l’exposition universelle de 1855, seule la chambre de Bordeaux est sollicitée. Or, elle gère le Médoc et le Sauternais.

Le village de Saint-Emilion, réputé pour son classement
Le village de Saint-Emilion, réputé pour son classement

St Emilion par exemple est régit par la chambre d’agriculture de Libourne. De fait, ces classements ne satisfont pas et d’autres voient le jour, complexifiant la compréhension de la hiérarchie des crus locaux. On trouve ainsi celui de Pessac-Léognan en 1953, inchangé depuis, celui de Saint Emilion en 1955, révisé tous les 10 ans, celui des Crus Bourgeois en 2020, valable pour 5 ans.

Le classement des vins de Provence

Peu de gens le savent, mais la Provence a son classement ! Officialisé en 1955, il autorise 23 domaines à utiliser la dénomination “crus classés de Provence”. Parmi les 300 propriétés viticoles qui existent en 1955, les critères regardés sont par exemple la mise en bouteille au domaine ou la vente directe… Des critères plutôt discutables car la distinction par la qualité n’est pas l’axe principal. Pourtant, ce classement est immuable. Seule la disparition des domaines peut les faire sortir du classement, comme ce fut le cas pour 5 d’entre eux :

● le Clos de la Bastide Verte
● le Domaine de la Grande Loube
● le Clos du Relais
● le Coteau du Ferrage
● le Domaine de Moulières

Les 18 Crus Classés de Provence restants bénéficient pour la plupart d’une belle notoriété.

Le classement des vins de Champagne

L'échelle des crus de Champagne a été imaginée en 1919 par le Syndicat des Vignerons de Champagne. Leur idée était d’associer à chaque commune un certain prix pour le kilo de raisin acheté par les négociants. Un Grand Cru serait acheté 100% du prix de référence, un Premier Cru entre 90% et 99% du prix et un raisin sans classement entre 80% et 89%. De fait, la Champagne a classé non pas des domaines ou des cuvées, mais des villages entiers ! Ainsi, dès qu’un domaine produit du raisin issu de vignes localisées sur une commune classée, sa cuvée peut prétendre au titre de Grand Cru ou Premier Cru. 17 communes sont classées Grand Cru (11 sont dans la Montagne de Reims et 6 dans la Côte des Blancs) et 44 sont en Premier Cru (réparties entre la Montagne de Reims, la Côte des Blancs et la Vallée de la Marne). Certaines d’entre elles sont particulièrement réputées comme Avize dans la Côte des Blancs ou Aÿ sur la Montagne de Reims. L’inconvénient de ce classement est qu’il ne distingue pas les spécificités parcellaires, et qu’il ne prend pas en compte le travail du vigneron.

Les classements des vins de Bourgogne

Les Bourguignons ont toujours eu à cœur de connaître leur terroir sur le bout des doigts. Ils ont distingué de nombreux “climats”, c'est-à-dire des terroirs, qui produisent des raisins de qualité supérieure (lire notre article sur les climats bourguignons). Ainsi sont nés les Premiers Crus et les Grands Crus. Les Premiers Crus correspondent à des climats particulièrement qualitatifs au sein d’une appellation village. La région en dénombre 662 et ils se présentent ainsi : Chablis 1er Cru Fourchaume ou Beaune 1er Cru Les Marconnets. Les Grands Crus concernent des appellations entières, qui ont donc leur propre cahier des charges. On en compte 33, il s’agit des terroirs les plus qualitatifs de la région : Bâtard-Montrachet, Echezeaux, Corton-Charlemagne…

Un aperçu du climat bourguignon
Un aperçu du climat bourguignon

La Bourgogne possède un classement très complet et il est difficile d’avoir en tête les 662 Premiers Crus. Par ailleurs, sur un même Cru, il existe une variabilité certaine d’un vigneron à l’autre. Les cahiers des charges étant néanmoins assez contraignants, les Grands Crus tendent à proposer une qualité homogène. Cette classification varie très peu, même si certaines années, elle accueille de nouveaux prétendants. Ainsi, en 2021, certains climats de Pouilly-Fuissé ont été reconnus Premiers Crus.

Le classement des vins d’Alsace

La logique de classement de l’Alsace est proche de celle de la Bourgogne dans la mesure où ce sont des terroirs qui ont été distingués. Des critères géologiques et climatiques ont permis de créer l’appellation Alsace Grand Cru en 1975, en commençant par le Grand Cru Schlossberg. Ils sont aujourd’hui 51 Grands Crus et proposent essentiellement des vins blancs secs ou sucrés. Le classement continue d’évoluer et la distinction la plus récente (2022) consacrait pour la première fois des vins rouges d’Alsace : le Grand Cru Kirchberg de Barr et le Grand Cru Hengst.

Le classement des vins dans les autres régions viticoles

Dans les autres régions que sont la Loire, le Rhône ou le Languedoc, il n’y a pas de Grands Crus ou de Crus Classés.
La Vallée du Rhône utilise la notion de Cru pour distinguer ses appellations les plus qualitatives (Lirac, Gigondas, Condrieu…), par opposition aux appellations Côtes-du-Rhône village (Séguret, Grignan les Adhémars…).
Le Languedoc a un fonctionnement similaire mais moins affirmé dans la mesure où c’est plutôt la notoriété de l’appellation qui détermine son niveau de “cru”.

Vous l’avez compris, d’une région à l’autre, les raisons d’être de chaque classement ne sont pas les mêmes. Une autre problématique s’annonce pour les années à venir : historiquement, les terroirs les plus qualitatifs étaient situés en hauteur, exposés au sud, baignés de soleil. Or, le dérèglement climatique pourrait rebattre les cartes de ce que sera un terroir qualitatif dans 10, 20 ou 30 ans.

Crédit photos : Dalkia Loves Wines

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