Les vignes préphylloxériques : ça apporte quoi au vin ?

Les vignes préphylloxériques : ça apporte quoi au vin ?

Conséquence de la crise du phylloxéra du XIXème siècle : la majorité de nos vignes françaises sont issues du greffage ! Mais certaines ont réussi à échapper au fléau. Il s’agit des vignes préphylloxériques cultivées franches de pied par des vignerons passionnés.

Avant l’arrivée du phylloxéra, les vignes étaient franches de pied, c’est-à-dire qu’elles étaient cultivées sur leurs propres racines, comme n’importe quelle plante agricole non greffée. Il s’agissait de l’espèce Vitis vinifera, qui était présente en Europe et donc, en France, explique Patrice This, directeur de recherche à l’INRAE.

En provenance de l’Est des Etats-Unis, le phylloxéra, ce puceron piqueur, qui apparaît sur la feuille sous forme de galles avant de prendre une forme souterraine qui attaque les racines et provoque la mort des souches, décime le vignoble français constitué de l’espèce sensible Vitis vinifera. La solution qui a été trouvée pour reconstituer le paysage viticole et la production a été le greffage avec l’utilisation de porte-greffes créés à partir d’espèces du genre Vitis, originaires des Etats-Unis et résistants au phylloxéra. C’est le cas du porte-greffe Riparia Gloire de Montpellier de l’espèce Vitis riparia. D’autres porte-greffes sont des hybrides issus de croisements entre des espèces américaines et Vitis vinifera. Aujourd’hui, une trentaine de porte-greffes sont utilisés en France !, explique Patrice This. C’est donc grâce au greffage massif, qui consiste à greffer la partie aérienne de la vigne de l’espèce Vitis vinifera sur un porte-greffe résistant, que l’on peut aujourd’hui encore, cultiver des vignes sans craindre le phylloxéra. Car le puceron est toujours présent ! C’est pourquoi il est extrêmement risqué de cultiver des vignes franches de pied sauf si l’on possède des moyens et des typicités de terroir qui nous permettent de le contenir. C’est le cas des vignobles plantés sur des sols extrêmement sableux ou pouvant être immergés une partie de l’année, termine le chercheur.

J’inonde mes vignes dans 40 cm d’eau pour lutter contre le phylloxéra

A Tarascon, au Domaine de Lansac, Eléonore de Sabran-Pontevès est l’une des dernières vigneronnes à se battre contre le phylloxéra pour conserver ses vignes franches de pied. Sur son vignoble de 40 hectares, elle immerge chaque hiver ses 9 hectares de plants francs de pied dans 40 cm d’eau pendant un mois et demi. Le principe est de saturer la terre en eau, qui provient de la Durance, afin d’éliminer les bulles d’oxygène dans le sol et donc, d’asphyxier la larve du phylloxéra, explique Eléonore.
Une submersion annuelle qui ne nuit absolument pas à la santé de la vigne franche de pied mais qui nécessite un travail de titan et des choix économiques drastiques. Cette entreprise pour conserver les vieilles vignes plantées par mes aïeux, je la mène par passion, dans le but de sauvegarder mon patrimoine, explique-t-elle.

Au Domaine de Lansac, les vignes franches de pied sont immergées dans l’eau pour lutter contre le phylloxéra - Crédit : Eléonore de Sabran-Pontevès
Au Domaine de Lansac, les vignes franches de pied sont immergées dans l’eau pour lutter contre le phylloxéra - Crédit : Eléonore de Sabran-Pontevès

Au chevet de ses vignes qui nécessitent un soin constant, Eléonore a donc choisi la submersion comme méthode de préservation. Mais on trouve surtout des vignes préphylloxériques sur les terroirs sableux et celles-ci peuvent être âgées de 170 ans ! Car la vigne est très résistante parce que c’est une liane. Mais pour que ces vignes survivent au puceron, lorsque bien sûr, elles n’ont pas été arrachées, elles doivent prendre racine sur un terrain friable qui contient moins de 7% d’argiles. Car dans un sol de ce type, la larve ne peut pas progresser jusqu’aux racines de la vigne, les galeries qu’elle creuse s’effondrant sur elle et l’asphyxiant. C’est pourquoi on recense de nombreuses parcelles encore résistantes sur les bords de la Loire et de la Garonne, nous éclaire la vigneronne. Parmi ses cépages francs de pied, Eléonore cultive de l’Aubun qu’elle vinifie en monocépage, en rouge et en rosé, et qu’elle est la dernière à cultiver en franc de pied !

Un vin d’une parcelle de 1871

Acteur phare des vins du Piémont Pyrénéen et de l’AOP Saint-Mont, Plaimont signe le millésime 2015 de sa cuvée Vignes Préphylloxériques (60 €).

Elle raconte une histoire extraordinaire, surtout dans les millésimes difficiles. Un monde d’expression aromatique nous sépare des vignes greffées avec ses arômes de pivoine, de mûre sauvage et sa richesse, explique Olivier Bourdet-Pees, le directeur général de Plaimont. Issue d’une parcelle de 0,5 hectares, plantée en 1871 et conservée par l’un de ses adhérents, la cuvée est produite à seulement 1300 à 1500 bouteilles par an selon la générosité du millésime, depuis 2011. Il s’agit d’un vin 100% Tannat classé en appellation Saint-Mont.

Plantée en 1810, la parcelle de Sarragachies de Plaimont, est inscrite aux Monuments Historiques - Crédit : Plaimont
Plantée en 1810, la parcelle de Sarragachies de Plaimont, est inscrite aux Monuments Historiques - Crédit : Plaimont

Pendant 140 ans, cette parcelle ne subsistait que grâce à l’attachement de ses propriétaires et aujourd’hui, elle est devenue un porte-étendard pour notre appellation et les vins du Sud-Ouest, ajoute O. Bourdet-Pees. Dans cette région viticole du Piémont Pyrénéen, les conditions nécessaires à la survie des vignes préphylloxériques sont réunies puisque les sols sont sableux. De plus, ici les gens ne vivaient pas du vin à l’époque. Il n’y avait pas d’enjeux commerciaux attachés à l’arrachage de la vigne ni de problématiques de rendements. Ils ont donc conservé leurs parcelles par attachement.
Aujourd’hui, c’est avec une logique de conduite proche d’il y a 150 ans que nous les cultivons dans le but de faire naître des cuvées de ces parcelles isolées
, précise-t-il.

Vignes préphylloxériques - Crédit @M-Carossio-Plaimont
Vignes préphylloxériques - Crédit @M-Carossio-Plaimont

Autre vestige de la biodiversité du Piémont Pyrénéen, la parcelle de Sarragachies inscrite aux Monuments Historiques depuis 2012. Une parcelle de 20 ares, plantée sous Napoléon 1er et qui mêle 21
cépages. Elle est devenue un véritable laboratoire technique pour évaluer le potentiel génétique des cépages disparus.

"Suite à la parution de notre article, nous avons eu la grande tristesse d'apprendre le décès de la vigneronne Eléonore de Sabran-Pontevès. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille, ses proches et à ses collaborateurs du Domaine de Lansac."

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