Les vins de Savoie : l'autre versant du futur

Les vins de Savoie : l'autre versant du futur

La Savoie est un carrefour. Son histoire commerciale, géographique, administrative et viticole en fait une région dont l’identité semble aussi certaine qu’elle n’est multiple en réalité.
Une fois évacué le cliché des pistes enneigées et des vins de Savoie comme partenaires privilégiés de la raclette, que reste-t-il ?
Une identité viticole à la fois singulière et multiple, d’une incroyable richesse et au potentiel évident, à (re)découvrir à l’occasion des 50 ans des AOP de Savoie.

Aremont 100 - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie
Aremont 100 - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie

Carte d’identité

A l’image de la carte des vins de Savoie à l’Auberge du Père Bise, le double étoilé Jean Sulpice sur les rives du lac d’Annecy, la Savoie viticole dépasse les frontières géographiques françaises. Piémont, comté de Nice, Suisse : un peu de tout le cœur alpin de l’Europe s’est retrouvé dans les rangs de vignes des reliefs savoyards. Si aujourd’hui les appellations savoyardes françaises sont délimitées et reconnues, elles sont le fruit de cette histoire variétale et culturale.

La Savoie, c’est le royaume de la Mondeuse en rouge, de l’altesse et la jacquère en blanc, et l’autre versant du gamay, du pinot noir, ainsi que du chasselas et de la roussanne.
Sans compter les autres nombreux cépages, principalement autochtones, qui font toute la singularité des vins de Savoie, combinés au climat et à la géologie : le persan, l’étraire de la Dui, le gringet, la mondeuse blanche…

Son histoire viticole remonte à l’antiquité, au premier siècle avant Jésus-Christ, et a connu les mêmes crises que de nombreux autres vignobles français, comme celle du phylloxera.

Géographiquement, les vignobles de Savoie s’étendent des rives du lac Léman, les plus au nord, jusqu’au sud de Chambéry, en direction de Grenoble. Répartis sur les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie, de l’Isère et de l’Ain, leurs sols se composent d’éboulis calcaires, de moraines glaciaires, de mollasses, d’alluvions et de marnes.

AOP Vins de Savoie, AOP Roussette de Savoie et AOP Seyssel sont les trois appellations, complétées de 20 dénominations géographiques, dont les célèbres Chignin-Bergeron, Jongieux, Marestel ou Apremont.

Brison Saint Innocent - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie
Brison Saint Innocent - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie

Un dynamisme aux accents conquérants

Trop longtemps, les vins de Savoie furent à l’hiver ce que les rosés de Provence sont à l’été : des vins de saison. Las de cette appréciation réductrice, méconnaissant l’ensemble de la production, l’interprofession et son directeur actuel Laurent Cavaillé sont bien déterminés à poursuivre leurs démarches de reconnaissance et de valorisation. Les sommeliers et restaurateurs de la région ne s’y étaient déjà pas trompés, mettant à leur cartes étoilées des pépites locales, comme les désormais célèbres domaine du Prieuré Saint-Christophe, domaine des Ardoisières, domaine Belluard, domaine Dupasquier, domaine Quénard, Magnin etc.
Parce qu’il y a de nombreux autres, et parce que la nouvelle appellation de Crémant de Savoie doit se faire son nom propre, parcourir le monde, l’Europe et la France pour diffuser cette diversité et cette qualité reste une priorité.

La Savoie se distingue également par un œnotourisme dynamique, comptant 2 destinations labellisées Vignobles et Découvertes (Cœur de Savoie et Lac du Bourget – Riviera des Alpes), où la beauté des paysages le dispute au plaisir procuré par les cuvées qui y sont produites.

Le Lac Léman - Crédit photo : Pauline Gonnet
Le Lac Léman - Crédit photo : Pauline Gonnet

Le goût du futur

Voici venu le temps de la fin des amalgames : non, la jacquère ne produit pas seulement des vins blancs d’apéritif à la vivacité controversée, mais des vins au profil ciselé, frais, au taux d’alcool mesuré et à des aromatiques originales et herbacées (Jean Sulpice). Idem pour la mondeuse : tanins soyeux et arômes typiques de griotte, cassis, poivre, et de pruneaux, truffe et sous-bois en évoluant la caractérise dans les belles cuvées.

L’évolution des pratiques culturales et œnologiques a évidemment contribué à cette montée en gamme, mais l’équation ne serait complète sans l’ambivalent apport du réchauffement climatique. Les fraîcheurs se tempérant à mesure que les hivers se font moins rudes, et les étés plus chauds augmentant les maturités, certains vins gagnent en équilibre. Cela ne va pas sans un certain prix à payer : orages de grêle et épisodes mortifères de gel mettent aussi le vignoble à mal, déjà compliqué parfois à travailler, notamment sur les reliefs (lisez notre article Changement climatique, quels impacts sur la vigne et le vin de demain ?)

Combe de Savoie - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie
Combe de Savoie - Crédit photo : Interprofession des Vins de Savoie

Malgré cela, ou peut-être grâce à cela, le vignoble s’engage dans la transition écologique, comme le souligne Laurent Cavaillé : avec pour l’heure 20% des surfaces certifiées en agriculture biologique ou biodynamique, et d’autres en transition.

Au-delà des chiffres, ce qui est intéressant, c’est la dynamique collective, avec des pratiques qui ont beaucoup évolué ces dernières années, visant à préserver les sols et à protéger la biodiversité.

L’impact du changement climatique est sensible avec des aléas plus récurrents, comme les gels tardifs ou les grêles estivales. Nous avons toutefois observé que nos cépages endémiques s’adaptaient très bien aux nouvelles conditions, notamment de sécheresse. D’ailleurs, nous avons six cépages “ancien” en expérimentation, dont la douce noire, le dousset, le hibou noir ou la petite sainte-marie.

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