Vers un œnotourisme durable

Vers un œnotourisme durable

L’œnotourisme est en pleine mutation. Celle-ci doit tendre vers une logique responsable et durable. C’est l’analyse de Marc Jonas, consultant et spécialiste de l’œnotourisme.

Visite de vignoble au Château Feely en Dordogne
Visite de vignoble au Château Feely en Dordogne

L’œnotourisme, c’est faire un voyage au cours duquel on a une pratique en rapport avec le vin. C’est déguster des cuvées sur la terrasse d’un château, faire du vélo dans les vignes ou encore, dormir dans un gîte vigneron, commence Marc Jonas. Guide-conférencier pendant 20 ans et spécialiste du tourisme viticole, Marc a assisté à l’émergence de l’œnotourisme en France. Alors que le marché international était déjà bien implanté - en Californie, en Afrique du Sud, en Toscane… - la France, elle, a pris du retard à l’allumage. Les vignerons ont mis du temps à accepter l’idée que l’œnotourisme puisse être une manière de vendre du vin, observe Marc Jonas. Des dégustations à la cave aux premières visites de chais, les initiatives œnotouristiques ont émergé d’abord timidement. Le Label Vignobles & Découvertes, créé par Atout France en 2009, a donné un élan au mouvement. Dans cette dynamique, Bordeaux a toujours été la locomotive. L’Alsace, avec sa route des vins, la Champagne, la Vallée de la Loire puis la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Provence ont pris tour à tour le virage, ajoute l’expert. Mais à ses yeux, le chemin à parcourir est encore long car l’offre est loin d’être homogène sur le territoire. On a 13 régions viticoles en France, 13 cultures du vin et à peine 50% des vignerons qui proposent un accueil à la propriété, constate-t-il. Et, selon lui, la crise sanitaire du COVID-19 sème la zizanie en rebattant les cartes… Dans certaines régions, les chefs-lieux de l’œnotourisme sont désertés par leur clientèle étrangère habituelle. Et s’adresser à un public local nécessite de repenser toute l’offre. Car quand on fait de l’œnotourisme en France, il faut savoir toucher les gens, vendre une relation, détaille-t-il. Peut-être ce chamboulement ouvre-t-il un horizon inespéré sur un œnotourisme plus responsable…
Dire qu’on possède un bâtiment à énergie positive, ce n’est pas suffisant

Marc Jonas, consultant en œnotourisme
Marc Jonas, consultant en œnotourisme

L’œnotourisme durable, c’est un peu plus qu’être un vigneron bio et avoir une chambre d’hôtes équipée de panneaux solaires. Dire qu’on a un bâtiment à énergie positive, ce n’est pas suffisant, note M. Jonas. Pour le spécialiste, le tourisme - pour qu’il puisse avoir un impact positif sur l’écologie - doit être durable sur toute la chaîne de consommation. Etre un « œnotouriste durable, c’est être le moins consommateur possible en gaz carbonique, le plus respectueux des écosystèmes, le moins perturbant pour les populations qui reçoivent… C’est voyager en ayant la conscience écologique de faire partie intégrante de l’environnement », ajoute-t-il. Du choix du mode de transport vers le vignoble (le train plutôt qu’un véhicule individuel), à celui pour rayonner sur place (le vélo) aux produits alimentaires consommés (issus de l’agriculture locale) et aux propriétés visitées… L’œnotourisme durable doit s’envisager à 360°. Sans oublier notre rapport au digital… Si l’on voyage en passant son temps à surfer sur internet ou à relayer en direct notre quotidien, on fait aussi flamber notre bilan énergétique. Rappelons qu’un mail envoyé équivaut à 1h de consommation d’électricité, souligne Marc.

Oenotourisme durable ou pédagogie écologique ?

Le Château Smith Haut Lafitte multiplie les initiatives écologiques
Le Château Smith Haut Lafitte multiplie les initiatives écologiques

Le vigneron a une responsabilité sociétale. En travaillant en bio, par exemple, en récupérant ses eaux de pluie, en favorisant la biodiversité il montre, il sensibilise l’œnotouriste qui est, rappelons-le, un consommateur, explique l’expert. Il cite, en exemples, le Château Smith Haut Lafitte à Bordeaux qui, depuis 2012, est équipé d’un chai écologique semi-enterré et qui multiple les initiatives : station d’épuration, récupération des eaux, inertie thermique des locaux. Un système ingénieux lui permet également de capter le gaz carbonique libéré pendant les fermentations afin de le convertir en bicarbonate de soude. Ce qui nous permet, entre autres usages, de l’utiliser pour réguler le PH des sols du potager bio. Nos légumes sont ensuite servis à la table du restaurant, explique le Château. Un bel exemple d’économie circulaire au service de l’œnotourisme !
En Dordogne, les propriétaires du Château Feely - en biodynamie - s’engagent à venir chercher à la gare voisine les visiteurs qui viennent passer une journée au domaine pour les inciter à se déplacer de manière plus responsable.

Le Vignoble Klur a entamé sa <q>décroissance joyeuse</q> pour se consacrer à l’élaboration de vins plus responsables
Le Vignoble Klur a entamé sa décroissance joyeuse pour se consacrer à l’élaboration de vins plus responsables

En Alsace, le Vignoble Klur s’est quant à lui séparé de quelques hectares de vignes ces dernières années afin de pouvoir se consacrer pleinement à la production de vins au style naturel et à la création d’un éco-lieu avec des hébergements. L'an prochain nous allons construire un nouveau chai en terre et paille. Nous aimerions que cela puisse être un chantier participatif associant nos clients, amis, tous ceux qui auraient envie de découvrir ou se former à d'autres techniques de construction, explique Elisa Klur, la vigneronne. A Buzet, les vignerons de la coopérative ont créé, dans leur circuit de visite ouvert au public, un Jardin des filtres d’éco-épuration des eaux usées. En parallèlement, la coopérative est très impliquée dans l’égalité salariale hommes-femmes avec le label Egalité diversité. Car l’œnotourisme durable doit aussi s’exprimer dans cet aspect sociétal. Il est transversal ! Il ne s’arrête pas à l’aspect « service mais il fait bien partie d’un tout. Son objectif est de sensibiliser, de provoquer un élan collectif. Car nous n’avons plus d’autre choix que d’avancer vers une forme de tourisme plus vertueux », termine M. Jonas.

A Buzet, une belle initiative de jardin intelligent pour ouvrir le public à de nouvelles pratiques
A Buzet, une belle initiative de jardin intelligent pour ouvrir le public à de nouvelles pratiques

Pour aller plus loin : http://conseil-oenotourisme.fr/

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