Aubert & Mathieu : ils font bouger les vignes dans le Languedoc

5 ans après la création de Aubert & Mathieu, leur entreprise de négoce, Anthony Aubert et Jean-Charles Mathieu se sont fait un nom sur la planète vin. Le duo, qui s’est connu au lycée à Carcassonne, a décidé de faire du vin à la sauce décomplexée afin de toucher un public jeune, laissé pour compte dans un monde parfois élitiste. Toutlevin est allé à la rencontre de ces trentenaires, électrons libres d’un Languedoc en regain de notoriété.

Des bancs du lycée au ban des vendanges. Telle est la trajectoire d’Anthony Aubert et Jean-Charles Mathieu, ces 2 trentenaires originaires de Carcassonne qui ont fait de leur entreprise de négoce, Aubert & Mathieu, une réussite malgré un marché ultra concurrentiel. On a débuté timidement par vendre 8000 bouteilles en 2019, aujourd’hui, on a clôturé 2023 à 400 000 !, se réjouit Anthony Aubert, l’un des co-fondateurs qui table sur une stabilisation autour d’un million de bouteilles d’ici quelques années.

Le déclic ? La crise du Covid qui a permis une sérieuse remise en question et un positionnement plus marqué sur les réseaux sociaux. Au début, on avait en tête de faire du négoce premium comme dans la Napa Valley mais on a vite compris qu’on avait fait fausse route et que le Languedoc, ce n’était pas la Californie, reconnaît-il en souriant. On a alors conçu une identité forte sur notre marque pour que les gens nous reconnaissent rapidement et on a mis le paquet sur Instagram et LinkedIn. Les résultats se font vite sentir via une communication digitale moderne et des packagings identitaires à l’image de ce que recherche la génération urbaine des 25-40 ans.

Vin sans alcool, rouge à boire frais, IA…

Mon rêve, c’est que le vin devienne comme la bière, un produit de toutes les occasions, idéalise le Carcassonnais. Pour ce faire, il faut démystifier le vin, le rendre accessible au plus grand nombre et surfer sur les tendances populaires : Nous avons la chance d’avoir une génération soucieuse de sa santé et de son bien-être, qui cherche à réduire sa consommation d'alcool tout en profitant d'expériences gustatives de qualité. Le lancement prometteur de la cuvée “Kisumé”, un rosé effervescent sans alcool, ou de “Boogie Woogie” un rouge léger à boire frais est une réponse audacieuse à cette prise de conscience.

En toute honnêteté, je ne pensais pas qu’ils seraient si bien accueillis par les consommateurs, reconnaît le jeune homme vantant l’ouverture des américains ou des européens du nord sur ce sujet. En France, on est encore assez frileux sur ce genre de produits de niche mais ça commence à bouger. Nous aimons être à l’avant-garde de l’innovation dans l’industrie viticole et Kisumé est notamment la preuve de notre engagement continu envers la qualité et la créativité.

Un succès grandissant malgré un marché en tension

Il y a quelques mois, le duo avait créé le buzz en sortant la première cuvée signée par l’Intelligence Artificielle (IA). Nous voulions bien sûr attirer l’attention et nous avons eu la lucidité de dégainer assez vite, assure Anthony Aubert. Mais il était surtout intéressant de montrer le potentiel infini de l’IA à la filière vin tout en démontrant ses limites et enjeux sociétaux. Nous sommes persuadés que la machine ne remplacera jamais l’homme mais qu’elle peut être un vecteur de création.

Aujourd’hui, Aubert & Mathieu, c’est un succès grandissant avec 20 cuvées à 80% bio, une présence à 65% à l’export (35 pays) et 35% en France, exclusivement en CHR, et des engagements de bon sens. Comme la neutralité carbone, la fin de l’utilisation des capsules de surbouchages sur les bouteilles depuis septembre 2023 ou l’usage de bouteilles en verre recyclées et allégées, de bouchons durables, d’étiquettes et de cartons certifiés Imprim’Vert et FSC. Nous ne sommes pas forcément des ayatollahs des labels mais comme pour le profil des vins, nous voulons que nos salariés (3 en CDI et une alternante) et nos clients se sentent en phase avec la philosophie maison, prolonge Anthony Aubert. C’est pourquoi ils se sont engagés dans la certification B Corp depuis janvier 2023 : C’est une communauté mondiale d’entreprises qui respecte des normes sociales et environnementales élevées. Utiliser le commerce comme une force pour le bien, ça nous parle et ça parle aux jeunes.

Parler vrai, parler franc, vulgariser le vin !

Des jeunes qui sont justement la cible numéro 1 du duo de micro-négociants. C’est effectivement notre priorité d’aller chercher des nouveaux consommateurs, ajoute-t-il. Le marché est plus ou moins saturé, il faut donc trouver un discours cohérent pour attirer les Millénial à se mettre au vin. La méthode est finalement assez simple mais cohérente : parler vrai, parler franc, vulgariser le vin, le prendre comme un produit lambda et le rendre attractif via des codes précis.

On a beaucoup travaillé sur le branding et le marketing mais les étiquettes ne font pas tout, il faut que le vin plaise et c’est pourquoi nous mettons un point d’honneur à travailler main dans la main avec nos vignerons, poursuit Anthony Aubert.

Ils sont une trentaine en tout dans le Languedoc-Roussillon et depuis peu en Provence pour la sortie d’un rosé. Ce qui nous parait la clé, c’est surtout de respecter leur travail via une rémunération attractive et juste, prolonge-t-il en précisant offrir une rétribution de 30 à 50% plus élevée que la moyenne du marché. Un statut de négociant que le jeune duo avoue avoir légèrement camouflé au début de l’aventure : On n’osait pas trop l’affirmer, on a parfois l’impression que c’est un gros mot en France alors on se nommait “créateurs de vins” et puis finalement, on a décidé d’assumer notre statut. Il y a des négoces premiums et qualitatifs comme Calmel & Joseph ou Maison Lorgeril et nous sommes fiers d’en être ! Epaulé par le laboratoire Dubernet, Aubert & Mathieu espère trouver la clef pour creuser d’autres marchés d’avenir comme les vins moins alcoolisés (6-7°) ou populariser les capsules à vis. On ne se fixe pas de limite, conclut le jeune homme. L’important est de continuer à faire bouger les vignes…

Crédit photo de couverture : Aubert et Mathieu