Christophe Sabatier, portrait d’un vigneron-paysan atypique

Christophe Sabatier, portrait d’un vigneron-paysan atypique

Installé à Assas, dans l’Hérault, Christophe Sabatier n’a rien d’un vigneron ordinaire. Autodidacte, l’homme a le verbe facile quand il s’agit d’évoquer ses multiples activités paysannes, sa philosophie du vivre ensemble et son objectif d’autonomie énergétique. Un discours bio-logique qui détonne dans le monde parfois aseptisé de la vigne.

Il y a des rencontres qui marquent, qui vous réconcilient avec l’exercice parfois périlleux de l’interview. Christophe Sabatier est de celles-là. A 40 ans, ce vigneron héraultais est un adepte du parler vrai pour mieux vivre ensemble. Sur les terres que ses parents lui ont laissées en 2005, le domaine de Cassagnole, il cultive 12 ha de vignes en bio, et produit 5 cuvées (3 rouges, 1 rosé, 1 blanc) sans sulfites ajoutés. Je suis monté jusqu’à 30 mais je me suis rendu compte que je ne savais pas vendre le vin, confesse-t-il. Face à la concurrence exacerbée, il décide de se diversifier. L’idée, c’est de ne pas mettre mes œufs dans le même panier, assure ce papa poule de deux enfants. Il y a 7 ans, il installe un maraîcher en traction animale sur son domaine puis, 4 ans après, un couple de paysan-boulanger pour une bouchée de pain. Dans le monde agricole, on dit qu’une location, c’est une mauvaise vente, ajoute-t-il. Moi j’apprécie cette synergie afin que chacun se sente chez soi. Et il ne s’arrête pas là. La semaine dernière, il a rencontré une éleveuse de chèvres. Le but ultime, c’est de transformer la salle de réception en restaurant à l’horizon 2022-2023, ambitionne Christophe Sabatier. Je veux que ce restaurant soit uniquement alimenté par nos produits : vin, légume, pain, fromage et… viande de cochon. Car il élève également des porcs (gascons et de Bayeux) depuis un an.

Christophe Sabatier et son cochon
Christophe Sabatier et son cochon

Adepte du bon sens paysan et de la traction animale

Une activité de vente au détail qui doit encore être développée mais qui a bien fonctionné malgré des tarifs qu’il assume : C’est sûr que ce ne sont pas ceux des grandes surfaces mais le bien-être des animaux et la philosophie du domaine ont un prix. Le paysan vend également des saucisses de sanglier depuis le mois de juin. J’ai dû passer mon permis de chasse, contraint et forcé, mais je ne revendique pas d’être chasseur, je protège simplement mes cultures. Cette année, les sangliers ont ruiné la quasi-totalité de sa production de céréales et de légumineuses. On comprend mieux la démarche. Au fur et à mesure des échanges, Christophe Sabatier arrose tantôt les écologistes, ces nombrilistes, ces hors-sols…, tantôt le label biologique qu’il va quitter : Je ne suis pas un poulet pour être labellisé et puis c’est facile de passer à travers les mailles de la certification. Il a bien essayé la biodynamie pendant 3 ans mais l’ésotérisme ne l’a pas convaincu, lui qui vante ce qu’il appelle le BSP (bon sens paysan). Son crédo, c’est l’enherbement, les extraits frais, les couverts végétaux, le non travail du sol (sauf du pied), le thé de compost, la traction animale qu’il juge intemporelle. Je ne cautionne plus le fait qu’on mette du pétrole dans nos véhicules, surtout venant de pays que l’on maintient en guerre, blâme-t-il. Tout comme l’utilisation du souffre ou de la bouillie bordelaise. Si je peux cultiver mes vignes avec des chevaux, il est hors de question de traiter avec ça, ajoute-t-il. Le fait d’avoir voyagé (il a effectué trois vinifications en Australie, au Chili et aux Etats-Unis) m’a ouvert l’esprit sur les dérives, je me suis imprégné de situations qui m’ont marqué. Comme la visite de la plus grande mine à ciel ouvert de cuivre du Chili en 2003. Une industrie qui assoiffe les villages et pollue l’environnement.

Les vignes du Domaine de Cassagnole
Les vignes du Domaine de Cassagnole

Je ne suis pas socialiste mais je fais du social à ma façon

Quand il évoque Coluche ou Desproges, ses deux philosophes préférés, son rire communicatif rebondit sur les parois du caveau. A l’intérieur, des nichoirs à chauve-souris entassés attirent l’attention. Ils ont été faits par des jeunes adultes de l’IME (Institut médico-éducatif) de Jacou, se félicite le quarantenaire qui travaille exclusivement avec des personnes en situation de handicap pour les vendanges manuelles. Actuellement, il a même un stagiaire de 20 ans qui passe tous les après-midis sur place. Et il n’exclut pas d’en embaucher un à l’avenir. Je ne suis pas socialiste mais je fais du social à ma façon. Ce n’est pas tout le temps facile mais tout le monde doit avoir sa chance, ajoute-t-il. Prêt de foncier, embauche de jeunes handicapés, réduction de surface viticole, sortie de l’agriculture bio, construction de ses propres outils mécaniques, traction animale, Christophe Sabatier ne fait rien comme les autres. Ce vigneron-paysan-éleveur, qui se décrit comme moimêmeophile, construit actuellement la maison familiale à la seule force de ses bras. Et compte installer une production de poules pondeuses d’ici quelques mois. De quoi vivre de son labeur ? Comme disait Coluche, le plus dur c’est la fin du mois… enfin, surtout les 30 derniers jours ! Voilà qui résume bien le personnage.

Crédits photos : Yoann Palej

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