Le Bordeaux Bashing par God Bless Bacchus

Le Bordeaux Bashing par God Bless Bacchus

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Votre rapport au monde du vin ?

Je m'appelle Guillaume, je suis presque né dans un chai. Les meilleurs amis de mes parents avaient un petit château vers Pauillac ainsi qu'une propriété au pied du massif des maures à Vidauban, j'ai toujours été fasciné par l'odeur unique d'un chai. Pour moi c'est une vraie drogue, un besoin obsessionnel d'aller visiter ces lieux le plus souvent possible. La douceur vanillée sortie des effluves du chêne grillé des barriques créent en moi une sensation d'apaisement.

J'ai eu un besoin d'écrire ces sensations et c'est comme cela que j'ai créé mon blog de vin – God Bless Bacchus – sans objectif particulier autre que de libérer les mots et partager des visites et autres rencontres bachiques. Le vin et les spiritueux sont toute ma vie, j'ai d'ailleurs créé ma propre agence de design dédiée à ce monde et basée à Bordeaux.

C'est quoi en fait le Bordeaux Bashing ?

Rien que le fait de lire ce terme, je boue intérieurement. Le Bordeaux Bashing est avant tout issu d'une méconnaissance de notre région viticole qui est réputée dans le monde entier. Et comme toute personne connue et courtisée, elle souffre également de sa notoriété. Et cela va très vite dès que l'on sort de notre région. Ah les Bordeaux sont chers, certes bons, mais trop chers. ou encore ah non moi c'est Bourgogne comme s'il fallait choisir entre telle ou telle appellation ! Comme s'il fallait absolument choisir son camp et surtout ne plus en sortir comme le font les politiques ? Non pour moi, tout vin est intéressant. Bordeaux, Bourgogne, Italien, australien, moldave, grec… tout ce qui sort du raisin est un bienfait pour l'humanité, et ce depuis des millénaires. Bordeaux en pâtis aujourd'hui, mais qui ne nous dit pas que demain ce sera une autre région ? Le Bashing est une mode intemporelle qui ne fait que changer de cible au gré des vents.

Pourquoi le Bordeaux Bashing et pas une autre région viticole ?

Je pense que l'image de l'activité du vin bordelais, assez fermée sur elle-même, entre les négociants et les propriétés, et ce sans vraiment changement depuis 200 ou 300 ans nuit sans doute au vignoble et à son rayonnement actuel dans le monde. Ici tout est souvent fait de secrets et tout se gère en sous-marin, surtout pas sur la place publique. Et pourtant c'est mal connaître Bordeaux que de penser que rien n'a bougé… Les codes changent, les vins du nouveau monde ont bousculé les méthodes de vente, de production mais surtout l'image véhiculée. Le marketing a fait une entrée fracassante et pourtant les pionniers ne sont pas si loin que ça : les champenois qui ont su très tôt, récupérer les codes de vente et créer des univers dédiés à leurs maisons. Ici à Bordeaux, le marché est tellement calé, codifié, que les propriétés sont encore frileuses à moderniser les étiquettes, à casser les traditions de vente… Mais tout bouge et Bordeaux est en marche. Le Bordeaux Nouveau ! Et notamment grâce à l'essor incroyable de l'œnotourisme. Il y a encore 6 ou 7 ans très peu de propriétés acceptaient d'ouvrir leurs portes au public. Elles restaient obstinément fermées sur elles-mêmes, entrebâillant de temps en temps les portes de leurs chais pour les acheteurs professionnels ou journalistes. Désormais, Bordeaux possède ses propres routes du vin, des croisières, des balades dans tout type de moyen de transport, et même la superbe et dynamique Cité du Vin (non dédiée aux Vins de Bordeaux) . Nous avons toujours le souci de l'image froide des bordelais, en cercle concentrique qui est très loin de la réalité mais les clichés, hélas, perdurent…

Y a-t-il un impact sur les ventes de vins du bordelais ? Sur l'image des Grands Crus Classés ?

Il y a forcément un impact sur la vente des vins, ou du moins, une érosion des ventes. Je pense que Bordeaux manque cruellement de transparence dans sa communication. Je parle global. Tenez, prenez la moindre bouteille de Bordeaux, petite ou grande propriété, vous n'aurez que très peu de chance d'avoir des informations sur ce qui est dans la bouteille. Rive gauche ? C'est la part belle au cabernet. Rive Droite ? Le merlot star… mais tout le monde ne le sait pas et toutes les propriétés varient les assemblages. Autant déguster des vins à l'aveugle certaines fois. Moi le premier, j'aimerai retrouver sur la bouteille, la richesse verbale des propriétaires des exploitations, tout leur dynamisme mais les pourcentages des contre-étiquettes qui vous expliquent quel est l'assemblage exact du vin que vous dégustez est encore bien trop faible. Mais là encore, le changement est en marche (toute ressemblance avec un discours de campagne politique est totalement fortuit) . On ne compte plus les appellations qui d'année en année ont su créer un véritable rituel de dégustation avec les journées portes ouvertes. Jamais en même temps, cela laisse les visiteurs libres d'organiser leurs balades sans frustration, les soirées tasting avec Terre de Vins qui rencontre chaque année un succès toujours plus grand, etc… Le Bordeaux Nouveau est né ! Mais reste encore un gros travail de communication pour retranscrire ces changements sur le terrain jusque dans les pages des magazines.

L'autre explication de l'immobilisme perçu pourrait également provenir des grands crus qui préfèrent rester sur des présentations de vin très classiques, surtout ne pas changer les étiquettes ou à peine une police différente… Et pourtant là encore le changement est en marche, les étiquettes évoluent, se simplifient, se modernisent mais les grands domaines n'ont pas forcément intérêt à tout modifier car toute leur image repose sur l'ancienneté des domaines et l'histoire Française qui en découle. Une sorte de french art de vivre qui s'exporte toujours autant à l'international.

Vers la fin du Bordeaux Bashing ? Et sinon quelles solutions ?

Je ne pense pas qu'on pourra vraiment arrêter le French bashing car certains êtres bienpensants ne changeront pas d'avis demain, notamment sur l'une des critiques principales : le prix des vins. Pourtant croyez-moi, pas besoin d'une recherche intense pour trouver des Bordeaux à petit prix. Dès que vous sortez des grosses appellations, allez-vous aventurer sur les terres qui entourent ces dernières et vous trouverez bon nombre de petits domaines dont les vignerons signent leurs cuvées avec amour et avec des prix tout doux.

Il me semblerait à mon petit avis de simple amateur éclairé, que Bordeaux et ses artisans, auraient tout à gagner en communicant d'avantage sur leurs méthodes de production, à être à la recherche de proximité avec sa clientèle et remettre peut-être en question, tout son univers codifié et verrouillé de la production à la dégustation. Quid de créer en parallèle des primeurs pour les professionnels, des primeurs simplifiés pour le grand public ? Histoire de les mettre au cœur du processus de vinification ? D'allouer certaines parts de vignobles à de l'investissement particulier pour prendre part à la vie d'un vignoble ? à la manière d'un crowdfunding ? Ce qui est certain c'est que l'avenir de Bordeaux réside dans sa capacité à s'ouvrir sur le reste du monde tout en restant ce qu'il est : un vignoble magnifique avec des centaines de kilomètres de vignes tenues par des passionnés. Et un maître mot : transparence.

Lire aussi : Le point de vue d'Elvire

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