Négrette, un collectif signé Fronton

Négrette, un collectif signé Fronton

Lancé en 2019, le Collectif Négrette vise à la reconnaissance du potentiel de l’emblématique cépage de l’AOP Fronton. Les membres, qui ambitionnent de redorer son image via un cahier des charges exigeant, organisent régulièrement des dégustations professionnelles pour démontrer la capacité du cépage à donner vie à des vins rouges hauts de gamme. Toutlevin a pris son bâton de pèlerin pour aller sur le Front(on). Rencontres.

La collerette blanche et noire comme signe extérieur de qualité. Collectif Négrette apparaît distinctement sur la capsule d’une dizaine de cuvées de vins rouges alignées sur la table d’un restaurant de Fronton. Sur chacune d’elles, on a l’impression que le domaine s’efface au profit du cépage. C’est un peu l’idée de ce regroupement, explique Benjamin Piccoli, directeur du syndicat des vignerons de l’AOP Fronton. Sur chaque bouteille du collectif, on veut que la négrette soit bien identifiée, que l’étiquette reflète cette prise de position en faveur de ce cépage si emblématique dans la région.

Dans les années 80-90, à l’époque où l’on poussait le végétal pour faire de la production à outrance (80hl/ha), cette négrette n’avait pourtant pas la cote. Elle livrait des vins sans relief, très tanniques, et son caractère capricieux véhiculait une image dégradée.
Mais le progrès viticole a changé la donne, on est en train de redécouvrir la négrette sous son meilleur jour, nuance Frédéric Ribes, vigneron du domaine le Roc et président du syndicat des vignerons de l’AOP Fronton. Il faut dire qu’on s’est retroussé les manches pour lui redonner ses lettres de noblesse. A un moment, on s’est dit "Il n’y a personne qui va le faire à notre place !" et on a tous regardé dans la même direction.

Un cahier des charges exigeant pour des vins premium

C’est le point de départ de l’aventure du collectif. On a d’abord organisé beaucoup de dégustations à l’aveugle avec tous les vignerons, poursuit Benjamin Piccoli. On allait aussi bien choisir des vins vendus en grande distribution à 2-3€, que les vins les plus chers de chaque domaine et on y mêlait même quelques vins d’autres appellations comme le Minervois, Gaillac ou les Corbières.

L’exercice a le mérite de répondre à plusieurs questions : est-ce que le vin mérite l’appellation ? Est-il typé négrette ? Est-il bien valorisé ? Le résultat est sans appel : On a pris conscience que nos vins étaient sous-valorisés par rapport à d’autres appellations et qu’on avait le droit de monter le curseur, qu’on n’avait pas à en rougir !, prolonge Frédéric Ribes.

Mais pour cela, il faut afficher la couleur et délivrer des vins de grande qualité. On aurait pu déposer un dossier à l’INAO mais on a préféré le faire entre nous pour avoir plus de souplesse et plus de réactivité, détaille Benjamin Piccoli.

Les membres du collectif négrette regroupés lors d’un événement presse le 5 juin dernier à Fronton
Les membres du collectif négrette regroupés lors d’un événement presse le 5 juin dernier à Fronton

Les membres s’engagent alors à respecter un cahier des charges complémentaire à celui de l’appellation avec des clauses exigeantes sur l’agronomie (rendements limités à 35hl/ha), l’environnement (certification bio ou HVE3 obligatoire) et la technique (vinification parcellaire obligatoire, seuil minimal de négrette fixé à 70% de l’assemblage, élevage de quatorze mois au minimum).

Ce n’est pas un coup marketing mais un vrai projet sur le long terme !

Personnellement, je suis de culture languedocienne et je trouve brillante cette démarche que peu d’appellations ont osé axer sur la mise en avant d’un unique cépage, confie Mélanie Loustalet, maitre de chai du Château Bellevue la Forêt, qui a récemment rejoint le collectif (au même titre que le Château Viguerie et le Domaine Bois de Devès). Je me souviens qu’à Foncalieu (son ancien employeur), beaucoup de clients anglo-saxons demandaient souvent un merlot, un chardonnay ou une syrah. Avec cette identité négrette, on veut que le client puisse assimiler et retenir le nom au même titre que ces illustres cousins, et qu’il découvre les qualités multiples de ce cépage.

Le fameux cépage négrette qui développe des arômes de violette, de cassis, de réglisse et de poivre
Le fameux cépage négrette qui développe des arômes de violette, de cassis, de réglisse et de poivre

Sur son terrain favori et des conditions de culture optimales, la négrette développe une incroyable intensité aromatique sur la violette, le cassis, la mûre, la framboise, la réglisse mais aussi ces fameuses notes poivrées qui lui donnent ce supplément d’âme. Si on peut être différent, c’est mieux, assure Benjamin Piccoli. Les gens sont toujours curieux de découvrir un cépage qu’ils ne connaissent pas ou peu, c’est un atout, une superbe carte de visite !

Basée sur le volontariat et l’échange, la démarche a accouché d’un premier millésime prometteur en 2019. C’est un véritable engagement sur le long terme et pas un coup marketing comme certains l’ont pensé dans un premier temps, insiste Frédéric Ribes. Il y a un vrai travail de fond qui est fait en amont et cela a permis à Fronton de passer un cap collectivement parlant !
La preuve avec le millésime 2021, pas à la hauteur des espérances, qui a n’a pas donné lieu à la sortie de cuvées du collectif.

Bientôt un AOP Fronton blanc avec le bouysselet ?

Mais 2019 et 2020 ont été de véritables succès commerciaux avec un vrai engouement de la part des professionnels du secteur CHR notamment. Ce sont des vins de qualité qui témoignent d’une ambition commune et pourtant ils portent tous l’empreinte d’un vigneron, glisse Félix Manenti, chef sommelier de la Scène Thélème à Paris.

Ce qui démontre le potentiel de la négrette : on connait ses caractéristiques mais celles-ci peuvent s’exprimer de bien des façons. C’est un cépage qui peut donner des vins qui évolueront avec le temps, ce qui rajoute à son charme.

Transmettre ce message sur les belles tables françaises et auprès des meilleurs cavistes de l’hexagone, voilà ce qui motive les 12 membres (outre les 3 cités plus haut, Château de Belaygues, Château Bouisset, Château Boujac, Château Joliet, Domaine Labastidum, Château Laurou, Domaine Plaisance-Penavayre, Domaine le Roc, les vignerons de Vinovalie).

Fronton a su faire de son cépage autochtone une vraie signature, insiste Myriam Mazet, responsable du bar à vins Maison Sarment à Toulouse. Ils ont su garder leur identité via des cépages indigènes plutôt que de perdre leur âme en se standardisant. La génération de professionnels à laquelle j’appartiens est réceptive à ce type de positionnement.

Et Fronton ne compte certainement pas s’arrêter là. Le bouysselet, cépage blanc autochtone, est au cœur des préoccupations avec la création d’un groupe de travail et l’ambition de passer devant l’INAO d’ici quelques années. Un blanc de gastronomie au profil minéral et structuré, doté d’un gros potentiel avec cette trame tannique qui devrait faire parler de lui. Mais ça c’est une autre histoire…

Lisez aussi notre article Château Terre Fauve, l’audace d’un duo sur le terroir de Fronton.

Le collectif a permis de créer des cuvées premium en rouge, une vraie valeur ajoutée pour l’AOP Fronton
Le collectif a permis de créer des cuvées premium en rouge, une vraie valeur ajoutée pour l’AOP Fronton

Toutlevin a (particulièrement) aimé :

• Giove 2022 du Domaine Labastidum
• Sargha 2019 du Château Boujac
• Le Canard élégant 2020 & 2022 du Château de Belaygues
• La Dame Noire 2022 du Château Joliet
• Le Haut du Bois 2019 du Domaine Le Roc
• Absolute Négrette 2019 du Château Laurou
• Tot ço que cal 2022 du Domaine Plaisance-Penavayre

Crédit photos : couverture : AOP Fronton / Autres photos de l'article : Yoann Palej

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