Wine trip dans le sud de la Toscane

Au sud de la Toscane, la région de la Maremme, protégée du tourisme de masse, n’a pas la renommée des provinces de Sienne ou de Florence. Pourtant, cette “Camargue italienne” est une terre où il fait bon vivre et cultiver. Une terre de contrastes, de reliefs, de couleurs que les Etrusques avaient adoptée pour y planter de la vigne. Aujourd’hui, au cœur des collines de la province de Grosseto, la coopérative Cantina Vignaioli del Morellino di Scansano est une ambassadrice de choix pour la viticulture locale et une DOCG qui a le sangiovese en poupe. On vous emmène en Dolce Vita à la sauce “Tutto il vino” (Toutlevin pour les non bilingues !).

Ah l’Italie et sa fameuse Toscane… Florence et le David de Michel-Ange, son Palio et les œuvres de Boticelli, Pise et sa drôle de tour penchée, Sienne et sa Piazza del Campo, San Gimignano et son charme médiéval, et bien sûr ses vignobles du Chianti… Qui n’a pas rêvé un jour de s’y balader ?

Tout au sud de ce coin de paradis, il existe une vaste région dont on parle peu et qui vaut pourtant son pesant de sangiovese : la “Maremma” en VO dans le texte. Cette Camargue italienne, autrefois terre sauvage marécageuse âpre peu exploitée et réservée principalement à des élevages de chevaux, est aujourd’hui une région viticole reconnue pour sa fertilité et la diversité de ses sols. C’est là, sur ces sols volcaniques et sablonneux, riches en minéraux et en calcaires, que Studio Cru, une agence spécialisée dans la promotion des vins italiens, a emmené une joyeuse bande de journalistes en octobre dernier. Toutlevin était évidemment de la partie…

Loin de la Toscane des châteaux et de la noblesse…

Après un atterrissage dans la capitale italienne, direction Scansano où nous découvrons une mosaïque de couleurs : les vertes collines parsemées de pâturages et de champs de blé répondent aux rangées de vignes et d’oliveraies que l’automne a enveloppé de ses reflets orangés. Un instant, les senteurs des bois de type méditerranéen (cistes, arbousiers et genêts) qui parfument l’atmosphère me transportent dans mon Languedoc chéri.
Au moment où le bus nous conduit à l’Agriturismo Podere l’Aione, une ferme où sont produits vin, miel et huile d’olive, un homme au charisme certain s’avance à notre rencontre. Ici, nous sommes loin de la Toscane des châteaux et de la noblesse mais plutôt sur une terre de familles paysannes où les agriculteurs et les fermiers ont construit un modèle identitaire, explique-t-il. Il s’agit de Sergio Bucci, le directeur général de la coopérative Cantina Vignaioli del Morellino di Scansano, une structure fondée au début des années 70 par une poignée de producteurs (ils sont 170 sur 700 hectares aujourd’hui) avide de faire connaître les vins locaux.

A cette époque, beaucoup de coopératives privilégient la quantité à la qualité, poursuit-il. Chez nous, le virage qualitatif a été enclenché très tôt, dans le sillage de la naissance de la DOC Morellino di Scansano en 1978 (qui deviendra DOCG en 2007). Cette philosophie ancrée dans l’ADN, les producteurs définissent un nouveau profil de vins, plus frais avec moins d’extraction.

La découverte du Ciliegiolo, un cépage local de la famille du Sangiovese

Parallèlement, ils achètent plus de parcelles pour augmenter la capacité de production et répondre à une demande grandissante. Nos vins reflètent vraiment la diversité des paysages avec de la structure, du fruit et une belle minéralité, poursuit celui qui a enclenché un virage vertueux à sa prise de fonction en 2010 (premier vignoble d’Italie à recevoir la certification Product Environmental Footprint). Dans les faits (et dans les verres), la découverte du Ciliegiolo, un cépage local de la famille du Sangiovese, est une belle surprise : un nez légèrement poivré et une bouche soyeuse sur l’infusion de cerise résument la cuvée Capoccia 2022, un “chef de famille” avec du caractère et une certaine puissance. On a décidé de le vinifier en monocépage depuis quelques années et les consommateurs, en recherche de vins plutôt faciles à boire, y répondent favorablement, détaille Sergio Bucci.

Plus racée, la cuvée Roggiano 2022 (100 % sangiovese, DOCG Morellino di Scansano) est plus en adéquation avec les vins de la Maremme : C’est tout à fait le profil que l’on recherche sur nos vins avec des tanins plus profonds, une intensité sur les fruits noirs et cette finale rafraîchissante. Son côté très concentré, presque sanguin, s’accorde parfaitement avec un plat de typique de la région, les “Pappardelle al ragù di cinghiale, des pâtes avec une sauce tomate et du sanglier. Un délice.

Site étrusque, parade de gardians locaux et repas copieux

Après avoir ingurgité un cheesecake aux myrtilles savoureux, il est temps d’aller se dégourdir les jambes. Direction le site archéologique de Ghiaccio Forte qui domine la rivière Albegna. La vue sur place est à couper le souffle, la vallée entière s’offre à nos yeux ébahis jusqu’à la Grande Bleue.

Sur cet ancien sanctuaire étrusque, où trônent quelques trésors archéologiques du 6^ème siècle avant J.-C., le spectacle de ces gardians locaux, les “Butteri” (littéralement conducteur de bœufs), menant la mazzarella (sorte de bâton utilisé pour stimuler les bêtes), nous plonge dans l’histoire ancestrale de la Maremme et de ses traditions. Ils étaient les seuls à traverser les zones imperméables et marécageuses et à savoir se déplacer et survivre dans ce pays inhospitalier, explique la guide.

La parade terminée, nous prenons nos quartiers à l’hôtel Antico Casale di Scansano avant de terminer par un dîner copieux. Au cœur de ce repas, la version Riserva du Roggiano sur le millésime 2020 (Sangiovese et une pointe de merlot) a attiré mon attention par son élégance, sa complexité et sa texture très fine en bouche. On a mis beaucoup d’attention dans l’élevage de 12 mois en barriques de chêne français, explique le directeur. On ne voulait surtout pas trop le marquer mais lui donner seulement un peu plus de structure et de matière pour voyager dans le temps. La fin du repas offre une gourmandise, un OVNI dans la gamme, “Poco Per Pochi” 2016, un assemblage de 5 cépages élevés pendant 5 ans dans 5 types de barriques. Là encore, la cave prouve qu’elle sait innover : On a fait le choix de récolter les raisins en légère surmaturité pour lui donner ce caractère gourmand.

Une cave iconique et moderne aux 15 millions de chiffre d’affaires

Le lendemain, la visite de la Cantina est le point d’orgue de ce mini-séjour toscan. Rénovée entre 2016 et 2018, la cave coopérative, qui affiche 15 millions de chiffre d’affaires (dont 10% à l’export mais uniquement en CHR) a fière allure et dispose d’outils ultra-modernes, notamment une ligne d’embouteillage qui a permis de réduire de moitié l’utilisation de l’eau et de l’énergie et un caveau de vente clinquant. Il est devenu une sacrée vitrine pour populariser nos vins sur le marché local mais aussi et surtout pour les faire découvrir aux touristes qui sont de plus en plus nombreux à venir dans cette partie de la Toscane, confie Sergio Bucci.

Puis vient l’heure de prendre place dans l’espace dégustation. L’Ansonica, un cépage blanc très floral et herbacé à la rondeur et la sapidité bien présentes, tape à l’œil, mais aussi le splendide rouge Sicomoro 2020 sur la griotte, la concentration, la rose fanée, le sous-bois et les épices. Un vin complexe qui a besoin d’aération pour se révéler sous son meilleur jour, peut-être le rouge le plus marquant de mon séjour (le 2016 est al dente !).

A l’heure du déjeuner, on partage le bout de gras avec la trentaine de salariés de la coopérative avant un après-midi de détente absolu aux thermes de Saturnia, des eaux sulfureuses qui jaillissent de la terre depuis 3000 ans et réputées pour leurs propriétés curatives.

Pour terminer en beauté, direction Montemerano et le restaurant étoilé Caino de la cheffe Valeria Piccini : mosaïque de betteraves avec daurade fumée, noisettes et asperges de mer, rigatoni au ragù bianco et pecorino, porc rôti avec salade de fenouil et d'orange. La finale sur la crème glacée au bleu, sorbet de poire et sauce au miel et son accord avec le VDN maison Pé’Sfizio Passito termine l’opération séduction. “è solo un addio fratelli”… (Ce n’est qu’un au revoir mes frères…).

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Crédit photos : Yoann Palej