Duché d'Uzès : la noble appellation

Duché d'Uzès : la noble appellation

Officiellement reconnue AOC en 2013, le Duché d’Uzès est la dernière-née des appellations de la Vallée du Rhône. En s’appuyant sur la fraîcheur des Cévennes, une sélection parcellaire minutieuse autour de 77 communes du Gard et un cahier des charges tout aussi rigoureux, les vignerons proposent des vins dans les trois couleurs où fraîcheur, équilibre et acidité signent une identité profonde. Afin de découvrir cette prometteuse appellation, Toutlevin a passé une journée riche en découvertes au cœur de ce terroir gourmand où la culture de la truffe et de l’olive complète le triangle d’or.

Les vignes du Duché d'Uzès
Les vignes du Duché d'Uzès

Uzès. Sur cette terre où l’un des plus célèbres dramaturges a pris "Racine" en 1661 écrivant que le vin est ici le meilleur du royaume, la vigne est comme souveraine du grand-duché. Le vignoble, bordé à l’est par les vastes plateaux calcaires de la Vallée du Rhône et choyé à l’ouest par les premiers reliefs des Cévennes, écrit ses lettres de noblesse au milieu des oliviers et des chênes truffiers, deux des autres cultures majeures du piémont cévenol.

Un paysage de carte postale où s’épanouissent 40 vignerons indépendants et 6 caves coopératives sur 77 communes du Gard (338 ha). Des femmes et des hommes qui ont su tirer, via un travail de longue haleine, le meilleur de ce terroir de caractère. Pour s’en rendre compte, ce 22 mai, nous avions rendez-vous au siège du syndicat pour une grande dégustation dans les trois couleurs avant d’aller vadrouiller dans les vignes. En 2013, nous avons la chance d’avoir été reconnu en AOC, puis en AOP, en rouge, blanc et rosé, ce qui est rare et j’avoue que cela donne pas mal de latitude aux vignerons pour s’exprimer, explique Luc Reynaud, vice-président de l’appellation. Mais la diversité n’empêche pas l’identité, bien au contraire. Nous avons beaucoup œuvré à contrôler les volumes, à affiner la qualité via un travail méticuleux d’identification des parcelles et un durcissement du cahier des charges, ajoute celui qui est également vigneron au domaine éponyme à Saint-Siffret.

Les blancs ont pris 40% de volume en 10 ans

Chaque année, l’INAO se déplace pour voir si les nouvelles parcelles identifiées correspondent bien à la “famille Duché d’Uzès”. Une sélection minutieuse de vignes sur les coteaux caillouteux où l’amplitude thermique entre le jour et la nuit permet de garder une belle acidité dans les vins. Oui, c’est une vraie famille, nous prenons des décisions de manière collégiale, prolonge Amandine Dusserre, la directrice. Par exemple, tous les lots estampillés AOP passent aujourd’hui en commission de labellisation et sont donc dégustés. C’est un travail de fourmi certes mais il nous permet aujourd’hui de revendiquer des vins identitaires.

Toutlevin a eu la chance de déguster à l’aveugle 40 cuvées dans les 3 couleurs
Toutlevin a eu la chance de déguster à l’aveugle 40 cuvées dans les 3 couleurs

A ce jour, il y a environ 2000 hectares classés sur l’ensemble des communes, ce qui permet d’imaginer le potentiel d’évolution. Toutefois, le rythme de consommation a changé et nous ne produisons que ce que nous savons vendre, précise Michel Souchon, président de l’appellation depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, les gens veulent des vins plus fins, plus élégants, nous n’avons pas intérêt à aller vers de gros volumes. Avec notre système de maitrise de production et des ventes, on est dans le vrai du marché !

A l’image des blancs qui ont pris 40% de volume en dix ans pour devenir la deuxième couleur de production de l’AOP (environ 30% contre 55% pour les rouges et 15% pour les rosés). C’est vrai que nous sommes en avance sur ce point, on a toujours été vu comme une appellation prometteuse sur les blancs avec cette finesse et cette complexité apportée par les assemblages, poursuit Michel Souchon, qui est aussi président de la coopérative de Durfort.

La belle dynamique du bio avec près de la moitié des producteurs engagés

Pour mettre en valeur ce terroir à blanc, le syndicat a même revu le cahier des charges afin d’introduire un troisième cépage obligatoire (rolle, marsanne ou roussanne) à hauteur de 20% utilisés ensemble ou séparément afin d’élargir le spectre qu’offrent viognier (≥40%) et grenache blanc (≥30%). Il nous fallait un peu plus de souplesse pour avoir plus de possibilité dans les assemblages mais croyez-moi, les vignerons font tout pour garder une typicité, assure Luc Reynaud.

Plus de 90% des vignerons sont sous label, dont 46% en bio ou en conversion
Plus de 90% des vignerons sont sous label, dont 46% en bio ou en conversion

Dans les faits, suite à la dégustation à l’aveugle d’une quarantaine de cuvées (voir ma sélection en fin d’article !) ce qui a frappé l’habitué que je suis c’est cette souplesse en bouche, cette fraîcheur et cet équilibre dans les jus de blancs même si l’effet millésime a livré quelques déséquilibres. Les rosés (grenache, syrah principalement) ont cette vivacité et ce fruité qui donnent de vrais vins structurés quand les rouges (syrah, grenache et mourvèdre, voire carignan ou cinsault) font preuve d’une sacrée élégance et de cette matière charnue et épicée qui accompagne bien la table. Nous avons aussi une belle dynamique autour des engagements environnementaux puisque plus de 90% des vignerons sont sous label, dont 46% en bio ou en conversion, ajoute Michel Souchon en rappelant la création d’une bouteille syndicale en 2004.

Encore pas mal de travail de communication pour gagner en notoriété

Après un repas italien où l’accord rosé-poulpe a donné pleine satisfaction, direction les Collines de Bourdic. La coopérative créée en 1928 représente un quart de la production de l’AOP Duché d’Uzès (environ 2500 hl). Un gros faiseur qui a la légitimité de se poser des questions sur la notoriété encore discrète du Duché… Que nous manque-t-il ? Il nous faudrait peut-être plus de ”personnalités”, de locomotives pour aller chercher des marchés et sortir les vins de nos caveaux (seulement 10% à l’export) mais ça passe forcément par plus de communication, résume David Baron, le vice-président de la cave. Le budget est mince mais le syndicat ne lésine pas sur l’ingéniosité pour organiser des événements comme Le Vin Côté Cours, une balade œno-gastronomique en mai, le week-end de la truffe en janvier ou encore la soirée guinguette en juillet et la Foire aux vins en août.

Les Collines du Bourdic représentent un quart de la production de l’AOP Duché d’Uzès
Les Collines du Bourdic représentent un quart de la production de l’AOP Duché d’Uzès

On participe également de plus en plus à des concours (Decanter, Guide Hachette, Concours d’Orange, etc…) pour faire connaître nos vins et les résultats sont probants avec pas mal de médailles, poursuit Stéphane Le Dréan, le directeur général de la coopérative. On mesure tout le chemin parcouru mais aussi tout le travail qu’il nous reste à faire pour que le Duché soit connu autrement que localement et pour cela, on a la chance d’avoir l’aide d’Inter Rhône. “Rhone Valley”, c’est porteur à l’export, conclut David Baron.

Prendre exemple sur les Terrasses du Larzac

Dernière étape du voyage et non des moindres : la rencontre avec Emmanuel Senthille de la Maison Blanc-Senthille à Saint-Jean-de-Crieulon. Cet ancien professeur des écoles a repris les vignes de famille avant de créer son domaine bio en 2018 (6 ha) avec un principe clair : soin à la vigne et rigueur en cave pour créer des vins d’artisan. Je ne suis pas un ayatollah mais je fais en sorte de dénaturer le moins possible le paysage. J’estime que nous avons une chance folle d’avoir cet environnement, glisse-t-il au cœur d’une vieille vigne de Syrah où un ancien prieuré en ruine du XIIIème siècle fait office de havre de paix.

Emmanuel Senthille est l’un des fers de lance de l’appellation
Emmanuel Senthille est l’un des fers de lance de l’appellation

Passé de 9000 bouteilles à ses débuts à 25000 en 2023, il est devenu l’un des fers de lance de l’appellation et prône le modèle des Terrasses du Larzac pour gagner en popularité : Faire moins, plus précis et plus qualitatif afin de mieux valoriser, je pense que c’est vers cela que le Duché doit tendre. Je suis très attaché au sens du mot “appellation”, la notion de terroir et l’implication du collectif. Malgré les contraintes, je trouve qu’on maintient une certaine dynamique et qu’il y a pas mal de jeunes vignerons qui amènent des idées nouvelles et une autre vision, c’est stimulant de faire partie de cette aventure ! Une aventure qui ne fait que prendre Racine…

Toutlevin a (particulièrement) aimé :

1. Blancs
• Mas des Volques / Alba Dolia 2022 (17)
• Maison Blanc-Senthille / Mademoiselle Jeanne (16.5)
• Domaine Reynaud / Arpège 2023 (16)
2. Rosés
• Mas de la Baraque / Rosé d’Alix 2023 (17.5)
• Domaine de l’Aqueduc / Le Rosé 2023 (15.5)
• La Tour de Gâtigne / Duché d’Uzès 2023 (15)
3. Rouges
• Domaine Terre Hachène / Cerris 2021 (17)
• Les Collines du Bourdic / Rabassière 2022 (16.5)
• Maison Blanc-Senthille / Belle Histoire 2022 (16.5)
• Domaine de Panery / La Madone 2022 (16)
• La Tour de Gâtigne / Montaure 2023 (15.5)
• Domaine Les Lys / Duché 2020 (15)

Crédits photos : Yoann Palej

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